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Intervention de Jean-Marie Kunstmann

Réunion du 15 décembre 2010 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Jean-Marie Kunstmann, vice-président de la Fédération des CECOS, praticien hospitalier à l'hôpital Cochin :

Je reviens un instant sur les expériences étrangères. En Suède, premier pays à avoir levé l'anonymat, on a observé dans les années qui ont suivi, une baisse drastique du nombre des donneurs, mais surtout une modification des pratiques. Beaucoup de couples suédois se sont adressés au Danemark où l'anonymat était toujours préservé et les demandes sur le sol suédois ont diminué – elles sont aujourd'hui trois fois moindres qu'en France. Et, comme cela a été dit, les couples sont désormais moins nombreux à informer leurs enfants. Aucune demande d'accès à l'identité du donneur n'a encore été enregistrée. Alors que le souci était celui d'une plus grande transparence, on en arrive à des pratiques plus occultes. C'est la preuve que pour légiférer efficacement, il faut aussi tenir compte des comportements et des aspirations des acteurs concernés.

En Grande-Bretagne, il y a eu une forte baisse des dons dans un premier temps, puis après d'intenses campagnes d'information, leur nombre est remonté. Mais là aussi, les comportements ont changé. D'après une récente enquête du Guardian, les donneurs souhaitent désormais que leur don ne serve pas à donner naissance à plus d'un ou deux enfants, par crainte d'être confrontés un jour à une tribu s'immisçant dans leur vie. La HFEA relève qu'en dépit d'un nombre de donneurs en augmentation, les délais d'attente s'allongent et que des couples se rendent à l'étranger, non seulement du fait de ces délais plus longs mais aussi pour bénéficier d'un don anonyme. L'autorisation d'accès à l'AMP pour les femmes seules ou homosexuelles change aussi la donne.

En France, selon notre enquête, 80 % des donneurs et 92 % des demandeurs approuvent le principe de l'anonymat. Si celui-ci était levé, 60,6 % des donneurs renonceraient à leur don et 25% des demandeurs à leur projet de recourir à un don de gamètes. On ne sait pas ce qu'ils feraient s'agissant de l'information des enfants sur leur mode de conception, mais il est probable que, comme à l'étranger, ils seraient plus enclins à garder le secret.

Soit notre société est capable d'accepter une parentalité qui ne soit pas fondée sur le lien biologique, comme les donneurs et les couples receveurs sont prêts à le faire, auquel cas il faut maintenir le principe de l'anonymat. Soit elle considère qu'on ne peut pas gommer le lien biologique, et il faut alors lever l'anonymat pour tous. Le projet de loi fait une proposition intermédiaire cherchant à concilier les intérêts et les aspirations de tous. La société ne fixe plus la règle, les acteurs se débrouillent comme ils peuvent. Les enfants peuvent demander, s'ils le souhaitent, à connaître leur donneur, et celui-ci accepter ou non de révéler son identité.

Les donneurs sont inquiets. Nous avons beau les assurer que la loi ne sera pas rétroactive et que de toute façon, ils ne pourront pas être identifiés s'ils ne donnent pas leur accord exprès, ils ne souhaitent pas même se trouver dans la situation, qu'ils jugent culpabilisante, d'avoir à dire oui ou non. En effet, nous disent-ils, si on nous pose la question, c'est qu'une personne derrière attend. Et ils n'ont pas envie de vivre cela. Voilà aussi un vécu humain et psychologique à prendre en compte avant de légiférer.

Quelle que soit la façon dont il a été conçu, chaque individu est confronté à la question de ses origines. Il doit faire avec l'histoire de ses parents et de leur rencontre, beaucoup dépendant aussi du récit qui en est fait.

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