L'un des écueils me paraît être l'instrumentalisation de la souffrance. Face à une situation source de souffrance, il n'est que deux attitudes possibles : la faire disparaître, fût-ce par un subterfuge, ou l'affronter. Je prendrai l'exemple de l'anonymat du don de gamètes – il n'est pas indifférent que les partisans de la GPA rejoignent, pour une large part, ceux de la levée de l'anonymat. Un enfant conçu avec don peut en souffrir. Il n'est pas question de nier cette souffrance. Elle doit être reconnue. Mais il est deux façons d'y répondre : soit penser l'atténuer en levant l'anonymat, soit aider l'enfant à l'affronter en ne « biologisant » pas la filiation. La biologie assure la reproduction de l'espèce, elle ne fait pas l'homme.
Dans le cas d'une GPA, sans même que l'on tombe dans les excès indécents que chacun réprouve mais qui servent parfois d'écran de fumée, n'oublions pas que s'instaure nécessairement une relation marchande. Dès le départ, une gestatrice accepte par contrat de laisser après l'accouchement l'enfant qu'elle a porté à la mère qui en a souhaité la naissance. Il est inconcevable pour moi qu'un enfant puisse faire l'objet d'un contrat.
Il me semble qu'on glisse insidieusement de l'idée « mon corps est moi » à l'idée « mon corps est à moi ». Il serait dramatique que chacun puisse considérer son corps comme sa propriété. En effet, son corps n'appartient pas à l'individu pour la raison simple que l'homme, c'est le monde de l'homme. L'homme n'existe pas en soi, mais seulement parce qu'il est lié à d'autres individus. Ce sont ces liens qui font l'humanité.