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Intervention de Sylviane Agacinski

Réunion du 15 décembre 2010 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Sylviane Agacinski, philosophe, professeur à l'école des hautes études en sciences sociales :

C'est la validité du consentement de ces femmes qui pose problème. Comment consentir valablement à une situation que par ailleurs la loi interdit ? Beaucoup consentiraient aujourd'hui à travailler quinze heures par jour dans des conditions dangereuses pour leur santé si le droit du travail ne l'interdisait pas. C'est bien à la loi, qui l'emporte sur les consentements individuels éventuels, de fixer les limites !

La possibilité de recourir à la maternité pour autrui correspond non pas à l'exercice d'un « droit-liberté », droit individuel, défini en creux comme la possibilité de faire tout ce qui n'est pas interdit et qui n'exige pas d'action positive de la part de l'État –c'est l'approche privilégiée dans le monde anglo-saxon –, mais d'un « droit-créance », droit positif, impliquant en l'espèce une action effective de l'État, auquel incomberait la responsabilité de définir les moyens de garantir le droit à l'enfant. Or, la société doit-elle garantir à chacun un enfant s'il le souhaite, quel que soit le moyen utilisé pour le fabriquer ? C'est possible si cela passe par le don de cellules sexuelles, pas si cela exige, comme dans la gestation pour autrui, l'aliénation totale du corps d'une personne.

Le professeur Nisand évoque le cas douloureux de jeunes femmes qui, ayant perdu leur utérus suite à une complication de leur grossesse, souhaitent faire appel à une mère porteuse. Mais la dernière mère porteuse à s'être exprimée en France a précisément perdu le sien suite à une hémorragie utérine ! Le risque existe lors de toute grossesse et chaque femme l'assume pour elle mais n'est-ce pas une tout autre affaire si c'est l'enfant d'une autre qu'elle porte ? Gardons-nous d'exciper de cas individuels dramatiques qui suscitent l'émotion, appellent la compassion, bref poussent à mettre en avant les sentiments. Il y a eu des rapports sentimentaux étroits entre certains maîtres et certains esclaves, certains patrons et certains domestiques, certains parents et certaines nourrices. Alors que les rapports à la nourrice au 19ème siècle ont souvent été dépeints de manière idyllique, on sait quelle réalité sociale se cachait derrière cette sentimentalité de façade.

Si l'on considère que la maternité pour autrui constitue bien une servitude qui porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine, la seule solution est de lutter pour qu'elle ne soit jamais autorisée en France et qu'elle soit abolie là où elle se pratique. L'honnêteté exige d'ailleurs de dire que très peu de pays autorisent expressément la gestation pour autrui – j'emploie cette expression, que je récuse, car c'est ainsi qu'on appelle cette pratique dans ces pays.

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