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Intervention de Dominique Mehl

Réunion du 15 décembre 2010 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Dominique Mehl, sociologue, directrice de recherches au CNRS :

S'agissant du lien qui se crée entre la mère et l'enfant qu'elle porte, il est, comme le vécu général de la grossesse, extrêmement subjectif et variable d'une femme à l'autre. Parmi les opposants à la gestation pour autrui, beaucoup ont une vision stéréotypée de la grossesse comme moment d'épanouissement et de lien fusionnel entre la mère et le foetus. Or, il est des grossesses très difficiles où les enfants ne sont pas reconnus comme tels avant l'accouchement, parfois plus tard encore. Il existe des dénis de grossesse, dont désormais chacun a entendu parler.

C'est d'ailleurs pourquoi il est aussi difficile de légiférer sur le sujet. Lorsqu'il n'y a pas besoin de la médecine, chacun peut procréer comme il l'entend et nul ne lui demandera de compte. L'autorisation de recourir à l'AMP est, elle, subordonnée au respect de certains critères fondés sur une vision stéréotypée de la famille et de la parentalité. Or, il me semble difficile de penser l'AMP de la même façon qu'il y a vingt-cinq ans. La famille contemporaine a beaucoup évolué. La pluriparentalité de fait, avec plusieurs figures parentales dans l'entourage de l'enfant, sans que celui-ci n'ait pour autant jamais plus d'un ou deux parents légaux, est plus répandue. Ces évolutions sociologiques rendent plus facile d'accepter l'idée que deux femmes puissent collaborer pour enfanter, l'une étant la mère légale d'intention, l'autre une tierce personne participant au processus.

On a beaucoup parlé d'indisponibilité du corps humain et d'interdit. Je défendrais plutôt, pour ma part, la liberté de procréer et de disposer librement de son corps, étant entendu que la loi doit encadrer les pratiques afin qu'il soit interdit de nuire à quiconque.

Enfin, autant je suis d'accord sur le fait que les mères porteuses doivent être éclairées sur leur décision et pleinement informées des risques qu'elles prennent, y compris pour leur vie, autant il me choque que l'on puisse mettre en doute leur consentement. En douter, c'est mettre à bas tout l'édifice de la relation patient-médecin dans le cadre de la procréation médicalement assistée.

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