Avec la « procréatique », on peut en effet être l'enfant d'un seul, de deux, de trois, de plus encore… Le législateur ne peut faire l'impasse sur cette réalité.
J'en suis venu, pour ma part, à soutenir la gestation pour autrui en raison de ce que j'ai constaté dans mon expérience professionnelle concernant la procréation médicalement assistée et l'adoption. Qu'on le veuille ou non, madame Halimi, le droit à l'enfant est reconnu depuis 1982 et la naissance du premier « bébé-éprouvette », comme on disait alors. L'assistance médicale à la procréation est aujourd'hui organisée, réglementée, sécurisée grâce à l'Agence de la biomédecine, et remboursée par la Sécurité sociale – trois tentatives de FIV, nombre moyen constaté avant qu'une naissance ait lieu, coûtent pas loin de 50 000 euros ! C'est d'ailleurs parce que nous avons depuis longtemps considéré que la stérilité était une pathologie dont le traitement méritait d'être pris en charge par l'assurance maladie, que le dédommagement d'une mère porteuse ne me choquerait pas.
Mme Halimi se trompe, me semble-t-il, mais cette erreur est fréquente, lorsqu'elle invite les couples concernés à adopter. La France est un pays où l'adoption est particulièrement favorisée. Elle est d'ailleurs, après les États-Unis, celui où on adopte le plus. Aujourd'hui, huit mille couples et personnes seules reçoivent chaque année l'agrément nécessaire pour adopter. Le « stock » de familles agréées est donc considérable. Ce n'est pas pour autant, hélas, qu'un enfant leur est proposé. Il n'y a pas plus de huit cents enfants adoptables par an dans notre pays. Pour qu'il y en ait davantage, il faudrait que tout enfant qui ne bénéficie pas de bonnes conditions d'éducation puisse être retiré à sa famille et que les liens avec celle-ci soient définitivement coupés, pour le rendre adoptable. Cela se pratiquait beaucoup plus couramment avant-guerre avec ce qu'on appelait les enfants « de l'Assistance », lesquels n'étaient pas, que je sache, parmi les plus heureux. On a ensuite plutôt cherché à ce que les enfants puissent rester le plus souvent possible dans leur famille, en tout cas maintenir des liens avec elle, ce qui interdit leur adoption, telle que celle-ci se pratique dans notre pays. Devant les difficultés à adopter un enfant français, les couples se tournent vers l'étranger et la France est le deuxième pays au monde par le nombre d'enfants qui y sont adoptés venant de l'étranger. Pensez-vous que l'adoption internationale est beaucoup plus morale que la gestation pour autrui et exempte de toutes dérives financières ? Il n'y a pas d'un côté la répugnante GPA qui aurait fatalement pour corollaire la marchandisation du corps des femmes – c'est là le principal écueil, j'en suis d'accord avec Sylviane Agacinski – et de l'autre, la magnifique adoption, pur geste d'amour qui ne donnerait lieu à aucun trafic ni aucune transaction financière.