Je prie par avance les participants de la table ronde, qui sont tous intervenus excellemment et de façon engagée, de me pardonner de ne pas leur poser de questions. D'une part, j'ai eu l'occasion de le faire lors de l'audition de chacun d'eux par la mission d'information. D'autre part, s'il est des sujets sur lesquels j'hésite toujours, ce n'est pas le cas pour les mères porteuses. Cette pratique exigerait de fouler aux pieds tant des principes et des valeurs au fondement même de notre République et de notre société qu'elle est inacceptable.
J'ai bien entendu l'argument selon lequel il serait difficile de s'opposer au choix d'adultes libres, informés et consentants. Pourquoi n'auraient-ils pas le droit de conclure un tel contrat ? Je ne peux rien répondre d'autre qu'ils n'en ont pas le droit, un point c'est tout. Si on propose à quelqu'un de lui acheter son rein, à quelque prix que ce soit, il n'a pas le droit de le vendre car cela aliénerait sa personne et, partant, son humanité.
On entend souvent objecter que « cela se fait ailleurs ». Si nous cédions à cet argument, autant renoncer à toute loi de bioéthique en France. Sur ce point, je ne peux oublier la réponse du directeur de la HFEA (human fertilisation embryology Authority), homologue britannique de l'Agence de la biomédecine, à ceux qui faisaient valoir que la législation en vigueur en Grande-Bretagne permettrait au moins d'éradiquer le tourisme procréatif pour les couples britanniques. « L'utérus ukrainien coûtera toujours moins cher que l'utérus anglais », avait-il dit. Le tourisme procréatif a, hélas, encore de beaux jours devant lui dans un monde totalement ouvert où prévalent les échanges marchands, où le corps peut se vendre sur Internet et où il sera toujours moins coûteux et plus facile de louer un utérus à Kiev qu'à Londres.
Autoriser les mères porteuses, ce serait renoncer aux principes d'inaliénabilité et d'indisponibilité du corps humain, ainsi qu'aux principes d'anonymat et de gratuité au fondement de nos lois de bioéthique.
À ceux qui invoquent l'intérêt supérieur de l'enfant né d'une gestation pour autrui à l'étranger pour justifier la légalisation de cette pratique, je réponds que, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, cet enfant a bien un état-civil. Je trouve par ailleurs curieux d'invoquer le « résultat », si je puis m'exprimer ainsi s'agissant d'un enfant, d'une infraction commise hors de notre territoire pour demander sa dépénalisation dans notre pays.
Je le dis sans hésitation, et cela étonnera peut-être ceux qui me connaissent et savent combien d'ordinaire je suis prudent et je doute sur toutes les questions de bioéthique : si notre pays autorisait les mères porteuses, autant renoncer d'emblée à légiférer en matière de bioéthique et, faisant fi de notre histoire et de notre droit, nous aligner sur les pays à la législation plus permissive.