Au dire des chercheurs, le système interdictiondérogation entrave la recherche sur les cellules souches. D'un autre côté, personne ne souhaite que la recherche sur l'embryon aboutisse à des « essais d'homme », comme disait le professeur Mattei, à manipuler le devenir d'un être humain. Comment donc trouver un système qui maintiendrait nos valeurs – la recherche ne doit pas mener à la modification d'une destinée humaine – tout en autorisant la recherche sur les cellules souches embryonnaires ?
Permettez-moi de poser une question simple et manichéenne au professeur Frydman, avec lequel je crois être, sur ce point, quelque peu en désaccord : qu'est-ce qu'un don de gamètes ? Si l'on estime que l'affectif et l'éducatif l'emportent sur le génétique, que c'est son environnement familial, social et culturel, et non son génome, qui fait l'homme, il faut considérer le don de gamètes simplement comme un don biologique, destiné à favoriser la naissance d'un enfant chez un couple stérile. Dans ce cas, je suis favorable au maintien de l'anonymat : l'histoire de l'enfant, c'est celle qu'on lui crée.
Mais on peut aussi accorder au génétique une grande importance, en considérant que les gamètes prédestinent l'enfant, que la transmission des gènes emporte plus que celle des critères phénotypiques, qu'elle inclut celle des talents et du caractère. Dans cette hypothèse – que je ne fais pas mienne –, j'estime qu'il faudrait, sauf à accepter de se défaire d'une part intime de soi, se refuser même au don.
Tout dépend de ce que les parents choisissent de dire à l'enfant né d'un don de gamètes. Ils peuvent lui expliquer que la science est simplement venue les aider dans leur projet, injectant des gamètes comme elle injecterait des molécules – la parentalité est alors claire et établie. Mais si l'enfant comprend, dans une vision déterministe, que quelqu'un lui a transmis, avec ses gènes, un peu de sa destinée, il n'aura de cesse d'accéder à ses origines et se sentira obligé de connaître cette part de son histoire.
Sur le papier, la solution prônée par le projet de loi est satisfaisante : elle procède d'une conjonction de libertés. Mais la GPA nous a appris que la liberté d'adultes consentants peut n'être qu'apparente, et contraire à l'éthique.