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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 15 décembre 2010 à 16h15
Commission des affaires étrangères

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes :

Les résultats de Cancun ont été plutôt une bonne nouvelle. La situation semblait bloquée, et beaucoup avaient pronostiqué un échec ; or, grâce aux pays émergents, en particulier à la présidence mexicaine et à l'Inde, le sommet a débouché sur quelque chose. L'Union européenne s'est dite prête à aller au-delà de l'objectif de 20 % de réduction des gaz à effet de serre d'ici à 2020, à condition que ses partenaires en fassent autant – tout est question d'équilibre. Le sujet fait partie des préoccupations du G20, ainsi que, même si c'est indirectement, du G8. En effet, les agendas de ces deux rencontres comportent des éléments ayant trait au développement durable.

Haïti est confrontée à une crise à la fois politique et sanitaire. De ce dernier point de vue, la situation est extrêmement préoccupante : on en est à plus de deux mille morts, cent mille personnes contaminées, quarante-cinq mille hospitalisées. S'y ajoute le problème des enfants en cours d'adoption, qui ont été regroupés à l'ambassade de France pour essayer de les protéger un peu. C'est une préoccupation immédiate. Quant aux élections, la situation est tendue. Les résultats du premier tour sont contestés – il faut dire que les divergences qui ont été constatées font naître des interrogations légitimes. L'essentiel, c'est d'arriver à tenir le deuxième tour le 16 janvier, et si possible dans des conditions incontestables. Diverses propositions ont été faites, une par exemple de la part des deux candidats arrivés en tête, une autre visant à rouvrir le deuxième tour à tous les candidats, ce qui paraît difficile sans se retrouver dans la même pagaille qu'au premier tour… En l'état actuel des choses, il semblerait qu'il soit juridiquement possible d'élargir le nombre des candidats au second tour.

Pour ce qui est de la reconstruction, des sommes non négligeables ont été envoyées dans le pays mais la reconstruction tarde, alors que le tremblement de terre date d'un an. Pour l'instant, la situation épidémiologique bloque tout, puisque les compagnies aériennes ne veulent pas desservir l'île dans les conditions actuelles. Toutefois, lorsque la reconstruction sera possible, je souhaite que les entreprises françaises soient beaucoup plus actives. Depuis des années, je constate que nos équipes sont toujours les premières quand survient une catastrophe naturelle mais que, dès lors que l'urgence est terminée, elles rentrent en France tandis que ce sont les entreprises étrangères qui viennent bénéficier de la manne financière qui s'est constituée. Cela me met hors de moi. Nous avons le savoir-faire, nous ne devrions pas être dans cette situation. Je vais en faire examiner les raisons : cela vient-il des entreprises françaises, ou d'autres facteurs ? Quoi qu'il en soit, ce phénomène m'a toujours profondément choquée, d'autant que la population conserve le sentiment que ce sont les autres pays qui assurent la reconstruction et elle leur en est plus reconnaissante qu'à nous, qui avons fait le plus dur du travail.

M. Myard et M. Bacquet m'ont interrogée sur les moyens du ministère. Il est exact qu'il est maltraité sur le plan budgétaire. Il a commencé la RGPP avant la RGPP et s'est assez mal défendu, pour des raisons diverses que j'ai essayé d'analyser. Dans tous les ministères où je suis passée, j'ai considéré la RGPP comme l'exigence d'une amélioration de l'utilisation de chaque euro donné, pas celle de réductions systématiques. RGPP ou pas, j'ai toujours essayé d'avoir des budgets adaptés à la situation. Je n'ignore pas les besoins des finances publiques, mais lorsqu'on a des ambitions, les moyens doivent être en phase. Le problème est que j'arrive alors que le budget triennal a déjà été voté, et qu'il sera beaucoup plus difficile de le faire rectifier qu'il n'était possible d'avoir une influence avant le vote. Pour autant, je n'ai pas l'intention de ne rien faire, et je note un soutien assez unanime parmi vous. Cela dit, des possibilités s'offrent certainement de mieux utiliser l'argent ; nous les étudierons point par point.

Quant à faire travailler les parlementaires… croyez bien que vous allez être satisfaits ! J'avais déjà cela en tête en parlant de travailler étroitement avec vous, et je ne suis pas du genre à oublier ce genre de proposition. Beaucoup de choses peuvent être faites dans ce domaine, d'autant qu'il y a dans cette commission un assez large consensus sur beaucoup de sujets.

Pour ce qui est de l'Afghanistan, j'ai dû mal m'exprimer. Il n'est pas question que les Occidentaux stabilisent, seuls, l'Afghanistan durablement. Le but est de passer, étape par étape, le contrôle de la situation aux Afghans. J'ai vu l'Afghanistan en 2002 : il y avait deux lumières dans tout Kaboul. On ne peut pas demander à quelques millions d'Afghans qui sortent d'une longue guerre de faire eux-mêmes le travail. Ce que nous voulons, c'est remettre progressivement chacune des provinces en situation d'agir. Voilà le calendrier occidental.

Quant à votre lettre concernant les critiques sur la loi sur la burqa, monsieur Myard, elle vient d'arriver et je ne l'ai pas encore lue, pas plus que la déclaration d'Hillary Clinton. Cela dit, j'ai eue la Secrétaire d'État américaine au téléphone au sujet de WikiLeaks, et il a été question de solidarité. Je me servirai du même concept à propos de la burqa. Si elle n'a pas bien compris notre principe de laïcité –je ne suis pas sûre que le mot existe en anglais – je le lui expliquerai. Les Américains ont une vision totalement différente de la nôtre : ils reconnaissent le communautarisme, ce qui est totalement opposé à notre idée de l'égalité devant la loi et les institutions, qui est le fondement de la République française. Je lui dirai en direct, le cas échéant, les raisons de notre attitude et aussi ce que nous attendons de nos partenaires et alliés, dans le respect des institutions de chacun.

Madagascar est un merveilleux pays que je connais depuis de très nombreuses années, et qui a subi des séries de crises de tous ordres. Notre présence a souvent été contestée par certaines élites, en particulier l'Église protestante, en relais des Britanniques, mais la population manifeste toujours un fort attachement à la France. Cela nous donne une grande responsabilité. Nous sommes en pointe depuis le début sur le processus de sortie de crise et avons fait un certain nombre de recommandations pour la transition. Il faut continuer dans cette voie. La langue française est un atout, même s'il faut rester lucides, car, dans de nombreux villages, elle n'est pas très présente. Sur le plan économique, beaucoup de nos entreprises ont été en pointe. Certaines ont été écartées du fait des difficultés politiques, mais nous devons revenir et retrouver notre influence dans la Grande île, pas seulement dans notre intérêt, mais pour aider les Malgaches.

À propos de la francophonie, qu'a évoquée M. Terrot, on peut s'attaquer aux problèmes financiers de plusieurs façons. D'abord, nous devons mieux rentabiliser les efforts que nous faisons. Pour cela, il faudra sans doute revoir certaines données. Nous avons fermé à une époque un certain nombre de lycées français : il faut se demander si c'était une bonne chose, et comment réaliser un équilibre avec la demande des Français sur place. Au-delà, nous devons davantage considérer les établissements français à l'étranger comme un élément de notre influence et, dès lors, associer d'autres acteurs à notre effort – je pense, par exemple, à l'effort financier que nous allons faire pour la gratuité dans le secondaire. Je considère que les entreprises sont très directement concernées. Si les futurs cadres du pays sont formés au français, ils auront tendance à choisir une entreprise française. Celles-ci doivent donc cesser de se focaliser sur leurs problèmes à six ou huit mois et adopter une vision à long terme. Par ailleurs, je vais leur demander d'être un peu plus présentes en matière de financement de la francophonie et de faire preuve de dynamisme à ce sujet. Par exemple, cela ne leur coûterait pas grand-chose, si ce n'est un petit effort de réflexion, d'embaucher, à diplômes égaux, quelqu'un qui a poursuivi ses études dans un lycée ou un institut français ; c'est la moindre des choses, mais cela ne se fait pas partout. Elles doivent également participer davantage au financement de bourses : certaines le font pour des formations maison, mais ce n'est pas suffisant. Un réinvestissement d'argent doit également être opéré pour aider au développement de l'influence de la francophonie : j'en ai déjà parlé à de grandes entreprises, et je vais continuer à le faire. Et il ne doit pas s'agir de faire vaguement plaisir au ministre pour quelques mois, en espérant qu'elle va défendre un contrat en retour ; à cet égard, je compte mettre en place des structures institutionnelles afin d'être sûre que ce processus de participation se poursuive dans la durée.

Le problème des zones grises en Afrique est, pour moi, la préoccupation majeure, d'autant qu'elles sont en train de s'étendre. Or, la drogue est un élément essentiel des problèmes internationaux : qui dit drogue dit corruption, et qui dit corruption dit affaiblissement des États. Une de nos missions consiste donc à aider les États à se prémunir contre la corruption pour éviter la disparition des structures étatiques.

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