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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 27 mars 2008 à 9h30
Débat sur la situation économique sociale et financière de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Le moment est venu de vérifier si cette déclaration était une tartarinade présidentielle de plus ou si cela correspondait à une vraie volonté, assortie de moyens réels, dont nous attendons avec impatience qu'ils soient enfin mis en oeuvre, probablement comme vous d'ailleurs.

La croissance ne sera pas là. En revanche, les déficits publics, eux, seront au rendez-vous. Alors qu'on les annonçait autour de 2,3 %, 2,4 % du PIB, ils seront au bas mot de 2,8 % et probablement de 3 % – certains pensent même pis encore ! Je vous renvoie, mes chers collègues, au scénario noir évoqué par notre rapporteur général dans son rapport sur le projet de budget de l'année dernière : les graphiques sont éloquents ! Avec la croissance qui nous est annoncée, c'est bien le pire, auquel certains ne voulaient croire, qui nous attend, à moins naturellement qu'une autre politique ne soit menée.

Cette autre politique est nécessaire, parce que l'inflation qui devait être de 1,6 % sera de 2,8 % ou de 3 %, parce que le pouvoir d'achat, qui était la pierre angulaire de votre politique, ne s'est pas amélioré. Il n'a pas progressé l'année dernière et progressera moins encore – si je puis dire – cette année. Quant à la politique en faveur des heures supplémentaires, je me permets de compléter les éléments que Didier Migaud vient de donner : au dernier trimestre de l'année dernière, les salariés ont effectué en moyenne sept heures supplémentaires, c'est-à-dire une de moins en moyenne comparativement au dernier trimestre de l'année 2005 ! Bref, les dispositions concernant les heures supplémentaires votées dans l'urgence et la précipitation l'été dernier ne produisent pas l'effet que vous pouviez sincèrement espérer. Nous devons tous lucidement le constater. Moins d'heures supplémentaires, cela ne contribue certainement pas à augmenter le pouvoir d'achat et l'on voit mal comment, avec la croissance économique attendue cette année, davantage d'heures supplémentaires pourraient être proposées aux salariés. En réalité, on leur en proposera moins. Le pouvoir d'achat connaîtra donc une progression bien moindre que celle que vous espériez. Bref, le problème est intégralement devant nous, alors même que vous avez présenté au Parlement, messieurs les ministres, en l'espace de six mois, deux projets de loi qui étaient censés le régler : le premier aux mois de juillet et d'août de l'année dernière ; le second au mois de décembre, dans des conditions d'ailleurs un peu étranges puisque ce projet de loi n'était toujours pas disponible pour les parlementaires alors qu'il était déjà présenté en commission des affaires sociales.

J'imagine que, devant l'urgence, d'autres méthodes de cette nature seront utilisées. Elles ne sont pas à l'honneur du pouvoir exécutif dans ses relations avec le Parlement. Elles ne sont certainement pas le gage d'une quelconque efficacité au service des Français. Elles nourrissent en revanche les graves inquiétudes qui sont les nôtres, graves inquiétudes qui ne sont que renforcées, d'une certaine manière, par l'ensemble des promesses faites depuis le vote de la loi de finances de 2008. Didier Migaud l'a encore rappelé, une promesse présidentielle est faite : supprimer toute recette publicitaire pour les chaînes publiques. Cela représente entre 1 milliard et 1,5 milliard d'euros. Mais comment allez-vous compenser cela ? En taxant les opérateurs de téléphonie mobile, les opérateurs Internet ? Cela voudrait dire en taxant les Français, car naturellement ces taxes pesant sur les opérateurs seront répercutées sur les usagers. A moins que vous ne décidiez de taxer les recettes publicitaires des chaînes autorisées à avoir ce type de recettes financières. Allez savoir pourquoi, mais j'ai un peu de mal à imaginer que le Président de la République, qui doit tant à la grande chaîne privée que nous connaissons, avalise une taxation de ses recettes publicitaires, comme j'ai du mal à imaginer que le président de la commission chargée de trouver une solution, dont nous savons qu'il s'est déjà déclaré candidat à la prochaine élection présidentielle, fasse, lui aussi, une mauvaise manière à cette grande chaîne privée ! En réalité, vous augmenterez la redevance, donc les prélèvements obligatoires !

Une autre promesse fut faite aux retraités. Il fallait augmenter de 25 % l'allocation de solidarité pour les personnes âgée, augmenter les pensions de réversion et verser, avant le 31 mars, une avance de 200 euros ! Il y en a pour 2,45 milliards d'euros : où allez-vous les trouver ? D'où proviendront-ils ? Et puisqu'ils n'existent ni dans les marges budgétaires de l'État ni dans celles de la sécurité sociale, quelle taxe nouvelle allez-vous donc inventer ou quel impôt existant allez-vous majorer pour honorer cet engagement ? Le Fonds de réserve des retraites doit être abondé de 6 milliards d'euros chaque année. Il ne l'a été que de 1,5 milliard l'année dernière et rien n'indique qu'il le sera cette année. Or il est destiné à soutenir le niveau de vie des retraités, du régime général comme de l'artisanat et du commerce, en 2020. Dites alors franchement à ces derniers qu'ils n'auront rien en 2020, contrairement aux engagements pris à leur égard par des gouvernements successifs ! Sinon, dans l'hypothèse où vous décideriez d'honorer vos promesses, il faut nous dire où vous allez trouver ces 6 milliards d'euros !

Une autre promesse fut faite aux pêcheurs à l'occasion d'un déplacement présidentiel marqué comme il se doit par une algarade avec un citoyen. Non financée et non gagée, elle a déjà suscité la création d'une taxe, laquelle ne suffit pas, puisqu'il manque 70 millions d'euros pour que cet engagement pris « à chaud » par le Président – c'est une habitude chez lui – puisse enfin être tenu.

Autre promesse, à l'enseignement supérieur cette fois. Il manque entre 1 milliard et 1,2 milliard d'euros par an pour qu'elle soit tenue. Bref, pour 2008, outre que vous n'arrivez pas à financer les dépenses qui étaient inscrites, vous avez entre 6 et 8 milliards d'euros de dépenses supplémentaires gelés puis annulés. Les crédits de la réserve de précaution ne suffiront donc pas. Vous devrez poursuivre la politique menée maintenant depuis des années, en dépit des promesses de rupture, c'est-à-dire recourir à l'endettement : vous rackettez purement et simplement les générations à venir,…

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