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Intervention de Philippe Vigier

Réunion du 27 mars 2008 à 9h30
Débat sur la situation économique sociale et financière de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les Français bénéficient d'un niveau de vie élevé, mais ont le sentiment de vivre, depuis la fin des Trente Glorieuses, une période de crise. Pendant longtemps, cette crise n'a pas empêché une croissance significative et le maintien de l'économie française à une place mondiale enviable. Mais, depuis les années 1980, les thèmes du déclin, de la peur de la concurrence étrangère, de la mondialisation, voire de l'intégration européenne, ont pris une force accrue, tandis que les indicateurs économiques devenaient plus alarmants.

Certaines statistiques macroéconomiques relatives aux vingt-cinq dernières années montrent en effet une régression significative dans une partie des classements économiques internationaux. En 1980, la France était l'un des pays les plus riches du monde. Le PIB par habitant la mettait au sixième rang mondial derrière les États-Unis, la Suisse, le Luxembourg, l'Islande et le Canada.

Deux indicateurs témoignent de cette situation de dégradation économique. Le premier est l'augmentation forte de la dette publique française, qui dépasse 60 % du PIB et dont la charge financière est équivalente aux recettes de l'impôt sur le revenu. Le second indicateur est le taux d'activité des Français, plus faible que celui des pays équivalents, et ce en raison de plusieurs facteurs : l'entrée tardive des jeunes dans la vie active – vingt-deux ans et demi en moyenne –, la diminution de l'âge effectif de la retraite, à cinquante-sept ans, et le faible taux d'emploi de la population en âge de travailler.

Aussi, le Gouvernement actuel tente de redonner à la France ce point de croissance qui lui fait tant défaut. Le travail est enfin redevenu cette valeur centrale de notre société, mais nous devons aller encore plus loin.

Le Nouveau Centre, monsieur le ministre, souhaite une stratégie compétitive pour la France. La crise des subprimes aux États-Unis fragilise la croissance économique mondiale, elle a des répercussions sur les pays de l'Union, notamment sur leur système bancaire. Cette crise financière pourrait se transformer en crise économique et sociale, et nous devons éviter cette spirale infernale. Pour cela, il faut agir sur quatre moteurs : la croissance, l'investissement, la consommation et les exportations.

Sur le travail, contrairement à ce qui a été dit, monsieur le ministre, le Nouveau Centre soutient votre politique. Nous ne parlons pas des 9 milliards de « cadeaux » ; bien au contraire, ils constituent un moyen d'anticiper cette crise internationale car, en instaurant la défiscalisation des heures supplémentaires, ils favorisent la revalorisation du travail. C'est le meilleur signal à envoyer aux classes moyennes, et nos collègues de la gauche commettent une grave erreur de diagnostic en dénonçant ces fameux cadeaux.

L'Angleterre est actuellement touchée de plein fouet par la crise des subprimes, crise qui devient mondiale. La France, elle, a mieux résisté, comme en témoigne l'actuelle décrue du chômage. Mais beaucoup reste à faire : dans ce pays crispé qui est le nôtre, n'oublions pas la flexsécurité ; dans ce pays de contingences, il faut enfin assouplir le travail, réformer le service public de l'emploi, stimuler le taux d'emploi des jeunes, mais aussi des seniors, ne pas lâcher le RSA dont je viens d'entendre dire qu'il est une bonne mesure. Mme Billard pense aujourd'hui qu'il va dans le bon sens, ce dont je me réjouis, alors qu'il y a quelques mois j'entendais dire que le RSA était un artefact !

Il faut stimuler la consommation. La consommation des ménages est encore bonne en France, puisqu'elle a progressé de 2 %, mais attention : cette image est trompeuse car cette bonne tenue s'explique d'abord par la baisse continue du taux d'épargne.

S'agissant des exportations, la France est la lanterne rouge. Année après année, elle continue de perdre des parts de marché à l'export à cause du manque de compétitivité de ses entreprises. Savez-vous que la dégradation de la balance commerciale coûte 0,5 point de croissance, la moitié du chemin à parcourir, et ce depuis cinq ans ? 0,5 point de croissance pendant cinq ans : le compte est aisé à faire si l'on compare la situation française à celle de l'Allemagne. Le problème n'est donc pas celui de l'euro fort, comme on l'entend dire continuellement, mais celui de la compétitivité, des obstacles à l'exportation que subissent nos entreprises. Les résultats de l'Allemagne le prouvent.

Il nous faut également relancer les investissements qui ne décollent pas. L'investissement des entreprises baisse régulièrement en France depuis 1962 : de 24 % durant les années 1960, le taux d'investissement des sociétés non financières, hors entreprises individuelles, est tombé à 19 % en moyenne entre 1990 et 2006. Il s'agit du plus faible taux comparé à celui des pays de l'Union européenne des Quinze ! Les entreprises françaises et étrangères préfèrent investir dans d'autres pays.

À côté de ces difficultés conjuguées pour notre économie, subsistent encore et toujours les effets délétères de ce contresens économique que sont les 35 heures, qui ont écrasé l'échelle des salaires et paupérisé durablement les classes moyennes. Le problème central aujourd'hui est bien celui du déclassement des classes moyennes, les familles vivant avec une certaine aisance dans le passé étant désormais confrontées à de réels problèmes de pouvoir d'achat.

La France doit donc entrer dans une stratégie de compétitivité à long terme. Pour cela, monsieur le ministre, nous faisons un certain nombre de propositions.

Tout d'abord en ce qui concerne sur la grande distribution. Je sais que les choses sont amorcées grâce – enfin – à des mesures fortes pour lutter contre les situations oligopolistiques. Il est en effet scandaleux que des patrons de grands hypermarchés rémunèrent leurs salariés au SMIC et que, dans le même temps, certains d'entre eux se mettent en situation de non-concurrence afin d'augmenter toujours plus leurs marges sur le dos des consommateurs, ces mêmes patrons qui achètent des pages entières de grands quotidiens régionaux pour nous expliquer qu'ils défendent le pouvoir d'achat !

Deuxième mesure : la mise en place d'une véritable politique pro PME. J'ai souligné tout à l'heure le problème des freins à l'exportation pour les PME. Il faut que le statut de l'entrepreneur individuel soit renforcé, il faut rapprocher le régime de l'imposition des entreprises individuelles de celui du droit commun des entreprises, il faut accompagner toutes les PME qui, nous le savons, sont les plus créatrices d'emplois mais sont confrontées à des problèmes de fonds propres. Une mission travaille actuellement sur ce sujet et formulera un certain nombre de propositions ; nous aurons l'occasion d'en parler dans quelques mois avec Nicolas Forissier.

Il faut également encourager la micro-entreprise ou le télétravail. Moi qui suis élu d'un territoire rural, comment puis-je expliquer à une personne d'aller travailler à 150 kilomètres de chez elle si elle n'a même pas l'ADSL ? Il faut donc réduire la fracture numérique, les micro-entreprises et le télétravail étant à l'état de balbutiement dans notre pays.

Nous proposons de trouver un accord avec les pays de l'Union afin qu'une loi européenne permette qu'une part des marchés publics soit réservée aux PME : ce serait un Small Business Act à la française.

Il est également nécessaire de réformer le code du travail. Cela ne signifie pas tout abandonner ; bien au contraire, il s'agit d'apporter plus de souplesse, mais aussi plus de sécurité à ceux qui travaillent, tout en encourageant le dialogue social, surtout un travail en profondeur avec les partenaires sociaux. Cette question de refonte du contrat de travail doit être étudiée pour sécuriser – c'est le mot – les parcours professionnels.

Enfin, nous proposons de libérer l'épargne salariale. Il faut la rendre plus fluide, davantage mobilisable par les ménages. Le Nouveau Centre salue les efforts réalisés par le Gouvernement en matière de participation ou d'intéressement et souhaite les voir amplifiés, notamment pour les salariés des PME.

À côté de ces mesures principales, il en est d'autres qui peuvent paraître annexes, mais qu'il faudra prendre en compte.

S'agissant du coût de la téléphonie mobile, il faudra bien arriver à faire en sorte que les opérateurs s'engagent à baisser le prix des abonnements de téléphonie portable. Il n'est pas acceptable qu'une famille avec deux enfants et possédant deux comptes bancaires ait perdu 100 euros de pouvoir d'achat en cinq ans.

Pour les frais bancaires, le raisonnement est le même. Année après année, mois après mois, ils coûtent toujours plus cher, notamment les frais en ligne.

Pour les salaires, monsieur le ministre, nous l'avons dit et vous vous souvenez des amendements que nous avions proposés avec Charles de Courson : les allégements de charges accordés aux entreprises doivent être conditionnés par une obligation annuelle de négociation entre partenaires sociaux, et ces allégements de charges doivent être réservés aux PME et non pas aux grands groupes industriels.

Le Nouveau Centre prône donc une stratégie de retour à l'équilibre de nos finances publiques. C'est la deuxième partie de mon exposé.

Cette stratégie du retour à l'équilibre est indispensable. Afin de réduire notre niveau d'endettement, nous avons déposé une proposition de loi constitutionnelle qui propose de revenir à l'équilibre de fonctionnement pour le budget de l'État et à l'équilibre général pour le budget de la sécurité sociale à l'horizon 2012. L'État doit montrer l'exemple : ce qu'on impose aux entreprises, ce qu'on impose aux collectivités territoriales, l'État doit se l'imposer – c'est un élément moral. En effet, prélever de l'épargne salariale pour financer les dépenses de fonctionnement affaiblit la croissance économique française et développe le chômage. Cette inscription d'une règle d'or dans la Constitution, parce qu'elle interdit de financer les dépenses de fonctionnement par l'emprunt, constitue une contribution importante pour aller chercher ce point de croissance qui nous manque.

Nous avons également fait un certain nombre de propositions d'économies.

Au moment où nous connaissons un dérapage du déficit public de 2,4 % à 2,7 % – en clair, il manque 5 milliards, monsieur le ministre –, je vous rappelle notre proposition de plafonnement des niches fiscales, sur lequel il va falloir aboutir ! De la même façon, l'IMA doit voir le jour ! 35 milliards d'euros échappent à l'impôt et bénéficient à ceux qui ont le plus. J'aimerais donc que certains nous aident dans cette voie. Monsieur Ayrault, voilà la moitié du dérapage fiscal que l'on pouvait aller chercher en plafonnant les niches !

Il faut concentrer les allégements de charges patronales sur les PME qui, je le répète, sont celles qui en ont le plus besoin et sont les plus créatrices d'emplois, Hervé Novelli le sait.

Il faut établir un pacte de solidarité avec les collectivités territoriales, de telle sorte que les transferts de l'État à ces collectivités n'augmentent pas plus vite que la dépense brute de l'État. Pour autant, et Michel Sapin ne me démentira pas, il n'est pas nécessaire d'opérer un matraquage fiscal régional qui n'a rien à voir avec le déficit de compensation par l'État ! C'est la vérité, monsieur Ayrault, il faut savoir reconnaître ses erreurs, et je vous fournirai les chiffres si vous le désirez !

Enfin, il faut moderniser l'État et évaluer les politiques publiques. Nous avons eu cette discussion hier matin en commission des finances et pouvons tous nous retrouver sur cette évidence : plus rien ne se fera dans ce pays sans une évaluation des politiques publiques.

Le Nouveau Centre, monsieur le ministre, souhaite l'accélération des réformes, mais elles doivent être justes.

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