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Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 27 mars 2008 à 9h30
Débat sur la situation économique sociale et financière de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Ayrault :

Ce qui compte, c'est le volume global d'heures travaillées dans notre pays, et cela n'a pas changé.

De la même manière, j'ai tout lieu de craindre que votre projet de libéralisation des circuits de distribution déséquilibre la concurrence sans bénéficier aux consommateurs.

Le grand enjeu pour nous n'est pas de transformer le pays en un vaste hypermarché, il est de revaloriser le travail et les salaires. Je me félicite que des grandes sociétés françaises réalisent des résultats exceptionnels. Mais à la condition que leurs salariés reçoivent leur part de cette réussite. Je veux à cet égard apporter l'appui des députés socialistes au mouvement des salariés de la grande distribution. Alors que leurs groupes affichent chaque année des bénéfices record, ces hommes et ces femmes vivent une triple peine : des salaires plafonnés au SMIC, l'absence de déroulement de carrière, le temps partiel imposé. Voilà la réalité sociale ! Les Français doivent sentir qu'un mouvement est en marche et qu'il ne va pas s'arrêter. Les salariés ne peuvent pas toujours accepter l'austérité qu'on leur impose alors que les bénéfices sont là. Partager équitablement les efforts et les richesses est une nécessité politique, économique et sociale.

C'est pour tous ces Français qui se lèvent tôt, qui travaillent dur, qui peinent, que nous demandons la convocation d'un Grenelle des revenus qui conditionnera les aides publiques aux entreprises par des accords de revalorisation salariale, et pas seulement par l'ouverture des négociations. Il faut du donnant-donnant. C'est à eux que s'adressent également nos propositions sur la baisse de la TVA, le chèque transport ou le bouclier logement. Tant que ne sera pas assuré un juste partage des gains et des efforts, il n'y aura pas de choc de confiance. Tant qu'on ne rebâtira pas un contrat social équilibré, les réformes tourneront à vide.

J'en arrive à la troisième dimension de notre débat, messieurs les ministres. Crier « réforme, réforme » ne vaut pas brevet de modernisation. À force de se tromper sur les priorités et de collecter les mauvais résultats, le Gouvernement a même réussi à en dégoûter les Français, comme en témoigne l'accueil fait au rapport Attali. Et pour cause : l'unique objet de vos ressentiments, c'est la place de l'État, les services publics, les protections sociales. Dieu sait qu'il y a des progrès à faire dans ces domaines ! Mais en faire les boucs émissaires de tous les maux du pays est un parfait contresens au moment où les dogmes de la dérégulation se brisent sur la crise financière.

Dois-je également rappeler que ces six dernières années, l'État a continué de déréglementer une bonne partie du marché du travail et de privatiser l'essentiel de son patrimoine économique, jusqu'à ses autoroutes, tout en creusant ses déficits et sa dette ? Tout cela montre que quelque chose ne marche pas quelque part.

Monsieur le ministre, ce sont vos réformes qui taillent dans tous les sens, à l'aveugle et au mauvais endroit. Obnubilés par votre croisade contre les 35 heures, vous oubliez que le problème français numéro 1 est la trop faible durée des carrières professionnelles et le chômage des jeunes et des seniors. Obsédés par les baisses d'impôts, vous paupérisez l'investissement public là où il est indispensable pour endiguer le décrochage français en matière de recherche publique et privée, de programmes scientifiques et industriels, de développement d'un tissu de PME performantes et exportatrices.

Rivés à votre totem des franchises médicales, vous laissez la sécurité sociale glisser vers une privatisation qui ne dit pas son nom. L'assurance maladie continuera de s'enfoncer dans les déficits tant que n'aura pas été engagée une réforme en profondeur de la médecine libérale et du parcours de soins. Quant aux retraites, l'allongement de la durée de cotisations ne fera que ruiner les retraités si ne sont pas intégrées les questions de la pénibilité du travail, de l'espérance de vie, des ruptures de carrière et du chômage des seniors. Et je pourrais multiplier les exemples.

Alors non, messieurs les ministres, le choix n'est pas entre l'austérité et la poursuite de vos réformes. Ce sont vos réformes et les objectifs que vous poursuivez qui ont produit l'austérité. C'est l'austérité qui dicte désormais vos réformes. Si l'on veut sortir de cette spirale infernale, c'est toute votre hiérarchie de priorités qu'il faut revoir, ce sont vos réformes qu'il faut réformer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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