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Intervention de Vincent Chriqui

Réunion du 8 décembre 2010 à 10h00
Commission des affaires sociales

Vincent Chriqui, directeur général du Centre d'analyse stratégique :

Merci d'abord pour les mots aimables que j'ai entendus à propos du rapport du Centre d'analyse stratégique, qui ne peuvent que nous encourager à poursuivre notre réflexion sur le sujet.

Pour reprendre rapidement les réflexions des uns et des autres, je répondrai en premier lieu à Mme Martine Billard qui faisait remarquer que le maintien à domicile à tout prix n'était peut-être pas, avec toutes ces familles éclatées, la solution la plus appropriée. Notre propos n'était pas de distinguer une solution par rapport à une autre, mais simplement d'ouvrir cette possibilité pour les familles qui le souhaitent, même si du chemin reste à parcourir pour y parvenir, concernant par exemple, parmi les dispositifs évoqués, l'accueil temporaire.

Plusieurs d'entre vous ont abordé la question du logement des personnes dépendantes. Si des progrès ont été accomplis s'agissant des logements neufs depuis la loi de 2005, la solution repose selon moi sur la prise en compte de cette question dans la politique du logement en général. La manière de gérer l'attribution des logements sociaux pour traiter l'exclusion sociale, qui tient surtout compte de la situation de plus ou moins grand éloignement par rapport au logement ou encore des revenus, ne permet pas en effet d'aborder d'autres aspects, dont celui de la dépendance.

S'il faut par ailleurs, comme le soulignait Mme Bérengère Poletti, des passerelles entre les métiers, une certaine stabilité est également nécessaire. Pour autant, si aucun dispositif n'obligera jamais, au bout de vingt ans, quelqu'un à faire quelque chose de différent, la question est importante. À cet égard, la valorisation des emplois ne passe pas nécessairement par une augmentation progressive de leur niveau de formation, contrairement à ce qui se passe en France où la tentation est grande, pour valoriser tel ou tel emploi, de passer simplement d'un recrutement à bac+2 à un recrutement à bac+5. Cela aboutit en fait à trouver encore moins de candidats, alors que le besoin que l'on a identifié pourrait très bien être pourvu par des gens qui n'ont pas un niveau élevé. Il conviendrait plutôt, dans une logique de valorisation des acquis de l'expérience, de prendre en compte les compétences pratiques, qu'il s'agisse de les utiliser ailleurs ou de progresser dans la carrière.

Ainsi que cela a été souligné, l'anticipation, point que je n'ai pas évoqué, est souvent la clef de la réussite. C'est vrai en matière de logement, d'emploi ou encore de choix d'un établissement : si l'on s'y prend à l'avance, le passage est beaucoup moins brutal. Malheureusement, la balkanisation des intervenants qu'évoquait le président Méhaignerie rend la démarche très compliquée. De ce fait, on n'a pas envie de s'occuper de la question tant qu'on n'est pas au pied du mur, et c'est comme cela que l'on ne réussit pas la transition.

Vous avez été plusieurs à revenir sur la question des chutes accidentelles. Outre qu'elles peuvent constituer, comme le soulignait M. Élie Aboud, un facteur aggravant pour les personnes âgées souffrant déjà de pathologies plus ou moins graves, elles entraînent, selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), 10 500 décès par an dont 85 % concernent les plus de 65 ans.

Parmi les oublis relevés dans notre rapport, j'ai bien noté – outre bien sûr le principal, à savoir le thermalisme rhumatismal... – celui concernant l'informatique. Nous menons toutefois des travaux en matière de nouvelles technologies, en particulier sur la question de savoir ce que ces dernières peuvent apporter. Si envoyer un mèl à un parent âgé peut, certes, être un bon moyen de se dédouaner pour la famille, on peut toujours se demander si, en l'absence de l'outil informatique, quelque chose aurait été fait. Au moins le mèl a-t-il le mérite d'exister ! Plus généralement, l'informatique peut apporter des solutions nouvelles aux personnes âgées dépendantes avec ces innovations que sont, par exemple, les réseaux sociaux de type Facebook. On peut également très bien imaginer que demain existeront des outils informatiques plus conviviaux qu'aujourd'hui tels que l'iPad qui est beaucoup plus facile à utiliser qu'un PC.

Une question très sensible a été posée par M. Jacques Domergue, celle du recours à l'immigration pour occuper des métiers pénibles. Si l'immigration par le travail doit permettre de trouver des personnes à employer là où existe un déficit de recrutement, il ne faudrait pas non plus qu'une sorte de fuite des Français aboutisse à n'employer que des personnes immigrées, ce qui ne serait une bonne chose ni pour le futur de ces emplois ni pour les personnes immigrées elles-mêmes. Là aussi, il y a un équilibre à trouver.

Concernant la chronique – que j'ai également lue avec beaucoup d'intérêt – de M. Jacques Attali, ce dernier a entièrement raison : pour la dépendance comme pour la santé, la plupart des études montrent que la durée de vie de qualité, sans grand handicap, augmente à peu près au même rythme que la durée de vie elle-même – la période où peuvent apparaître des difficultés importantes reculant d'autant. Des études fines font même apparaître que la progression des dépenses de santé ne tient pas principalement au vieillissement, mais au progrès technologique avec, par exemple, l'arrivée de nouveaux médicaments forcément chers lors de leur mise sur le marché. L'augmentation de la dépendance – il est bon de le souligner – n'est pas quelque chose de mécanique. Non, la dépendance n'est pas, au même titre que le handicap, inévitable. Tout le monde ne sera pas dépendant – et pas seulement ceux qui meurent à 40 ans dans un accident de voiture...

Il n'empêche qu'en même temps, dans une société qui progresse, qui devient malgré tout plus riche, la demande de services augmente. Demain on voudra, encore plus qu'aujourd'hui, mieux accompagner nos personnes âgées, même si, en tout état de cause, le vieillissement entraîne certaines conséquences.

Pour conclure sur une remarque d'ordre plus général, il s'agit en la matière, comme l'ont souligné Mme Martine Carrillon-Couvreur et M. Bernard Perrut, d'un enjeu de société. Ainsi que nous l'avons souligné dans notre rapport, nous ne répondrons au défi du vieillissement qu'en instillant des réponses dans l'ensemble de nos politiques publiques et pas seulement dans celles relatives aux seniors. C'est vrai de quasiment tous les sujets évoqués : c'est vrai des logements – il faut faire en sorte que nos procédures permettent de rendre des logements disponibles en priorité pour les personnes âgées ; c'est vrai de la formation et de l'emploi des seniors – les systèmes de formation et d'emploi doivent être adaptés à une durée du travail plus longue ; c'est vrai de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : si des solutions existent, elles sont ciblées, par exemple en direction des femmes qui travaillent et qui ont des enfants, alors que les dispositifs en question – télétravail, temps partiel, congés plus ou moins longs,... – pourraient également servir aux personnes qui ont des petits-enfants ou qui ont des ascendants dépendants.

M. Jacques Attali écrivait que si le sujet de la dépendance nous terrifie, c'est parce que l'on a tous peur que nos enfants se coupent de nous. J'ajouterai que c'est également parce que l'on a tous peur de ne pas pouvoir s'occuper de nos parents comme on le voudrait. Certains d'entre vous ont insisté sur le fait que quelques fois c'étaient les parents eux-mêmes qui ne voulaient pas des solutions qui leur étaient proposées par leur famille. Telle est la raison pour laquelle ce défi est difficile à relever : c'est parce qu'il renvoie à quelque chose de très intime qui a trait à la relation au sein même des familles. C'est bien pourquoi d'ailleurs il n'y aura pas de modèle unique : la solution ne viendra pas le jour où l'on aura identifié un seul modèle pour tout le monde, mais où l'on aura mis en place un système suffisamment généreux, mais aussi suffisamment souple pour que chacun puisse trouver la solution qui lui convienne.

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