Sans vouloir introduire une note dissonante, je crois utile d'apporter quelques précisions. L'expression d'une aspiration à davantage de programmes régionaux et à une information régionale mieux exposée est ancienne. Elle nous rappelle que, comme le réaffirmera Rémy Pflimlin, France 3, ex-FR3, est et demeure une chaîne nationale généraliste, à forte vocation régionale. Pour avoir travaillé très longtemps en région, je suis le premier à comprendre qu'on ne puisse se satisfaire de l'exposition offerte par des « fenêtres » – celle, traditionnelle, des informations de midi et du « 19-20 » ou d'autres, parfois très tardives, voire sinistrées. Aujourd'hui, cependant, dans un paysage particulièrement concurrentiel et compte tenu de la situation des audiences, France 3 doit faire les choix les moins risqués. Cela ne signifie pas que le programme régional soit en lui-même systématiquement risqué en termes d'audience, mais la chaîne régionale prend des risques lorsqu'elle n'est pas certaine que le programme régional fera au moins autant d'audience que le programme national. Même si, aujourd'hui, nous ne sommes plus soumis au-delà de 20 heures à une obligation d'audience qui conditionnerait les recettes publicitaires, une télévision publique doit rencontrer son public.
Ce principe ne doit pas condamner toute aspiration à faire de la télévision régionale sur des créneaux « faciles », « grand public », mais il nous oblige à nous poser la question suivante : France 3 doit-elle rester une chaîne généraliste ou – doux rêve évoqué en 1981 et plusieurs fois depuis – devenir l'addition de chaînes régionales « de plein exercice » ?
Dans le paysage concurrentiel et avec l'arrivée de la télévision numérique terrestre, les « télés pays » du réseau France Ô, ex-RFO, s'imposaient : il fallait ces canaux à forte identité, comme Nouvelle-Calédonie 1re ou Guyane 1re, dotées chacune d'une grille de programmes claire et, de fait, nous assistons à leur montée en puissance. Cependant, quand un président déclare que les régions, la proximité doivent devenir le grand souci de France 3, jusqu'à quel point ce discours doit-il influer sur la stratégie de l'entreprise ? Faut-il défaire ce qu'est aujourd'hui France 3 pour y substituer une télévision par « plaques », disposant chacune d'une véritable autonomie dans la gestion de l'antenne, afin de donner toute sa place à l'information régionale ? Une telle décision a un impact économique et financier qu'il convient d'évaluer soigneusement. Des chaînes privées s'essaient aujourd'hui à la télévision de proximité, mais avec des schémas économiques particulièrement fragiles : beaucoup se créent et beaucoup meurent. Rares sont celles qui trouvent un équilibre – une ou deux peut-être en France – et de grands groupes bancaires se sont retirés de cette aventure. La proximité est dans les gènes de la « Trois », c'est sa vocation. La question est donc de savoir jusqu'où ira le plan stratégique de Rémy Pflimlin dans la mise en oeuvre de cette proximité.
Plus de région à l'antenne, c'est aller dans le sens des aspirations que nous venons d'entendre s'exprimer, mais aussi d'une certaine aspiration du public. Au regard de notre cahier des charges et de notre vocation, nous sommes en deçà de ce que nous devrions faire. Ayant personnellement un goût prononcé pour les émissions politiques, je sais aussi combien la télévision régionale est source de frustration pour les élus. Cela ne tient pas tant au fait que ceux-ci cherchent des tribunes – ils savent les trouver ailleurs –, mais à ce que le questionnement politique ne s'inscrit plus dans la perspective des journalistes de France 3 en régions. Ils n'ont plus le goût de créer de véritables événements politiques dans leurs grilles et dans leurs sessions d'information – et pas seulement par peur d'être accusés de complaisance. Reste donc, enjeu démocratique important, à réhabiliter la place de l'élu dans l'offre d'information de France 3.
Il me semblait important de replacer dans leur contexte ces questions, qui ont un caractère permanent. Certaines réponses ont pu être apportées avant l'arrivée de Rémy Pflimlin, consistant à proposer des web-télévisions régionales en prenant le pari que l'offre de proximité se jouerait sur le Web. On assiste aujourd'hui à une nette réorientation, comme le dira mieux que moi notre président, mais jusqu'où irons-nous dans la prise de risque, dans le changement et l'amplification de notre offre ? Toutes les réponses ne sont pas encore connues.