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Intervention de Pierre-Jean Frison

Réunion du 7 décembre 2010 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pierre-Jean Frison, journaliste présentateur à France 3 Toulouse :

Je commencerai par un exemple précis de dysfonctionnement dans la répartition des rôles entre France 3 national et France 3 régions, non sans rappeler que cette chaîne, quand elle s'appelait FR3, était très tournée vers les régions.

Lors des dernières élections régionales, en mars dernier, chaque région a organisé un débat entre candidats. Alors que les rédacteurs en chef souhaitaient diffuser ces émissions à une heure d'écoute maximale, vers 20 h 30 ou en tout début de deuxième partie de soirée, elles l'ont été à une heure très tardive – chez nous, à 23 h 15 et à 23 h 45. Il n'est pas ici question d'ego de journaliste : ce sont les élus qui pâtissent de cette situation, alors même qu'un débat régional portant sur une élection régionale était pour le moins légitime sur France 3 régions.

Bien évidemment, France 3 national a également consacré des émissions à ces élections mais, comme il était inévitable, vues à travers le prisme national ou en fonction des polémiques qui occupaient alors le pays – il a ainsi été beaucoup question de M. Frêche et de Mme Royal. Quid, alors, des enjeux régionaux de cette campagne ? Le service public se serait grandi de s'y intéresser. Les attentes face au conseil régional ne sont évidemment pas les mêmes en Midi-Pyrénées qu'en Bourgogne ou en Bretagne. Or, dans ce cas comme dans bien d'autres, les émissions souhaitées ou réalisées à l'échelle régionale sont souvent reléguées à des heures qui ne permettent pas la plus grande écoute.

On a vu le résultat : les élections régionales ont connu peu de participation et ont suscité un intérêt relatif de la part des téléspectateurs. Mais à qui la faute ? On ne leur a pas présenté, en effet, les enjeux régionaux de ces élections et, même si celles-ci avaient évidemment des enjeux nationaux aussi, la priorité aurait dû être de diffuser dans chaque région un débat régional à une heure correcte.

Nous avons certes tenté de traiter le sujet dans nos journaux d'information régionale, mais un format de deux fois vingt minutes pour traiter l'ensemble de l'actualité d'une région ne permettait pas de consacrer à ces élections la place qu'elles auraient méritée.

En dehors de ces journaux, nous avons certes des programmes diffusés le samedi matin et le samedi après-midi, ainsi que des « décrochages », mais ces derniers ont un caractère exceptionnel et le téléspectateur, faute d'habitude, ne nous suit pas toujours dans ces tranches. Comme on l'a dit, sur vingt minutes d'information, nous ne pouvons consacrer à nos invités que deux minutes et demie à trois minutes et demie au plus, ce qui est insuffisant pour faire passer un message un peu complexe, comme vous l'avez sans doute éprouvé. Cela ne pourrait suffire que si nous disposions d'autres « fenêtres » pour approfondir les sujets ou poursuivre les débats qui méritent un meilleur traitement.

Malgré ces handicaps, les journaux régionaux font partout en France – aux deux exceptions près de l'Île-de-France et du Centre – une meilleure audience que la tranche nationale qui suit, laquelle bénéficie pourtant d'un meilleur potentiel à cet égard. Les téléspectateurs ne pensent pas que France 3 régions soit une télévision ringarde. De fait, vivant eux-mêmes dans les régions concernées, ils ne sont pas touchés par le parisianisme qui fait regarder la province de haut.

Un autre élément à prendre en compte dans ce débat est l'information sur votre travail d'élus. À une époque où l'on s'interroge sur le fonctionnement de notre démocratie, avez-vous le sentiment qu'on rend compte sur votre territoire de ce que vous faites ? Que savent de votre travail les gens qui ont voté pour vous ? Plus largement, pour refléter l'ensemble de l'actualité régionale – avec ses enjeux économiques, culturels, voire linguistiques comme en Midi-Pyrénées, où l'on parle l'occitan –, il semble indispensable que la région dispose d'un miroir médiatique, sans lequel on n'existe pas aujourd'hui. Les médias se rendent dans les banlieues quand celles-ci sont le théâtre d'incendies ou de « caillassages », mais des pans entiers de la France n'ont aujourd'hui aucune vitrine à la télévision. Or, sans vitrine, on a du mal à se sentir impliqué dans la vie du pays ou de la cité. Davantage de temps d'antenne pour France 3 régions, c'est davantage de temps d'antenne pour ces territoires, qui doivent se sentir représentés à la télévision.

L'information est certes toujours le coeur de l'activité de France 3 en régions, mais il est possible de faire bien d'autres choses. Il y a de la place pour le sport : nous retransmettons ainsi des matches de rugby de deuxième division, qui ne peuvent intéresser que des gens de notre région – et qui, de fait, intéressent fortement quand cette région est Midi-Pyrénées. Nous diffusons aussi des rencontres du championnat de football national, qui est l'équivalent de la troisième division, avec de meilleures audiences que le programme national correspondant. Il y a donc un véritable intérêt à proposer au téléspectateur une vitrine de sa propre région. Et cela pas seulement pour le sport : dans toutes les régions se déroulent, par exemple, des festivals, avec des invités prestigieux. Pourquoi nous interdire de réaliser à ces occasions des émissions de « variétés » ? On pourrait ainsi profiter d'un festival de cinéma tel que celui de Toulouse, qui attire les plus grands réalisateurs espagnols.

L'obstacle ne réside pas dans les moyens, même si la télévision a tendance à en consommer beaucoup. Ainsi, durant des années, grâce à un car de production, nous avons été à même d'enregistrer les concerts de « Jazz in Marciac », festival mondialement réputé. Ces images étaient diffusées plusieurs semaines plus tard, après minuit ! Les moyens employés sont en fait disproportionnés par rapport à l'usage qu'on en fait… Mieux vaudrait diffuser à 20 h 30, ou même à 22 h 30, des extraits des concerts et des interviews de ces invités prestigieux qui contribuent à l'animation de notre région mais auxquels nous ne pouvons aujourd'hui donner la parole.

J'espère vous avoir convaincus de l'utilité d'un développement de l'antenne des régions, dans l'intérêt même de ces territoires et dans celui du service public et du groupe France Télévisions. Nous en avons les moyens et les talents. Peut-être faudrait-il une volonté plus affirmée. Telle est du moins la demande que je formule auprès de vous.

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