Notre industrie ferroviaire est à la croisée des chemins. Nombre de ses 20 000 salariés et équipementiers, qui ont fait sa réussite aux côtés des constructeurs implantés dans notre pays, se posent la question de leur avenir.
Un quotidien du Nord-Pas-de-Calais, première région ferroviaire française avec 30 % de l'activité nationale et près de 10 000 emplois, posait récemment le problème en ces termes : « Ferroviaire, marché porteur et pourtant… », et témoignait des préoccupations des sous-traitants de ce secteur. Des préoccupations qui ne devraient pas avoir lieu d'être quand développement durable, objectif de réduction des émissions de C02, évolution du « marché » voyageurs, rythme et niveau des commandes de matériels roulants, résultats financiers des groupes constructeurs représentent autant de gages d'un essor possible de cette industrie.
Inventorier ces atouts, c'est mettre d'emblée l'accent sur sa capacité à pérenniser les positions acquises, et à se développer en demeurant à la pointe de l'innovation technologique mondiale et en créant de la richesse et de l'emploi.
Tous les éléments sont réunis pour concevoir cet essor en termes de filière industrielle ; un enjeu majeur hors duquel il n'est pas de salut. Or les stratégies de groupes, comme Alstom ou Bombardier, sont ouvertement de pousser les feux de l'externalisation de l'outil de production en Chine, en Inde pour se focaliser sur la conquête des marchés asiatiques. Les sous-traitants sont incités à leur emboîter le pas. Mais c'est une stratégie de l'échec, ainsi que le montre à sa manière une contre-enquête du quotidien Le Monde sur le sauvetage du « Made in France », en rappelant que les pays émergents « sophistiquent leurs productions… bénéficiant d'une main-d'oeuvre éduquée peu chère, et des transferts de technologies que les États développés, la France entre autres, leur ont concédés pour obtenir des contrats à l'exportation ».
Équipementiers et sous-traitants tirent la sonnette d'alarme, à l'exemple de l'association des industries ferroviaires du Nord-Pas-de-Calais, qui s'interroge : « Quand Alstom et Bombardier ont des programmes sur dix ans, pourquoi les équipementiers n'ont-ils, eux, de commandes que pour un an ? »
À cette question s'en ajoute une autre : que pèseront très vite les stratégies délocalisatrices des grands constructeurs face à des géants asiatiques disposant demain des hommes, des savoir-faire, des technologies qu'on leur livre et des marchés ? Nombre des difficultés de notre industrie ferroviaire tournent autour de ces questions, déjà pointées lors des États généraux de l'industrie.
S'y ajoute notamment celle d'obtenir que toute la filière française tire bénéfice du niveau exceptionnel des commandes passées par la SNCF, la RATP, les syndicats intercommunaux de transport, les régions. L'argent public doit créer de l'emploi, non du chômage. Or ces commandes ne garantissent pas que PME et PMI françaises soient associées. Leurs dirigeants le disent. Il faut remédier à cette situation.
La question du fret ferroviaire représente elle aussi un enjeu majeur. D'abord, pour sauver la production en France de matériels roulants adaptés, alors que se poursuit la saignée d'entreprises et d'emplois qui vide ce secteur de sa substance. Ensuite, parce que le fret ferroviaire est un atout au service des bassins de vie et de l'activité d'innombrables entreprises. Enfin, parce que autour de cette question s'expriment des désaccords avec les orientations de la SNCF qui sacrifient le wagon isolé et tiennent la France à l'écart du projet Xrail auquel adhérent pas moins de onze pays européens. Il y a place en France pour la création d'un pôle industriel ferroviaire du fret.
Enfin, je veux revenir sur l'importance de l'activité ferroviaire face aux enjeux du développement durable. L'industrie ferroviaire a vocation à devenir un pilier de la transition écologique et sociale de la France. Elle a vocation à permettre le transfert de la route au rail. Moins chère et largement plus écologique, elle est l'industrie clé des objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Tels sont les principaux éléments, brièvement résumés, qui conduisent le groupe de la Gauche démocrate et républicaine à voter pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)