Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Union européenne est toujours en crise. Certes, celle-ci peut prendre diverses formes, qu'elle soit de nature politique, institutionnelle, économique ou financière. Mais en réalité, toutes ces crises sont liées entre elles. C'est ce que nous démontrent les derniers épisodes relatifs au sauvetage de la Grèce et de l'Irlande. Dans les deux cas, les choix politiques inscrits dans les traités institutifs expliquent en grande partie cette fragilisation financière des États. On pense notamment au principe de la libre circulation des capitaux et aux critères du pacte de stabilité dont les seuls juges sont désormais les agences de notation et les marchés financiers.
L'avenir des peuples européens tient à la volonté d'intérêts purement privés, dont la seule logique est celle du profit à court terme. Les peuples sont ainsi perdants à tous les coups. En effet, lorsque les règles du marché sont à l'origine même de la faillite des banques, c'est aux peuples qu'il revient de renflouer ces mêmes banques.
Le plan de sauvetage conjoint de l'Union européenne et du Fonds monétaire international, c'est-à-dire de l'argent public, vise précisément à sauver de la faillite les banques irlandaises. Dans le cas irlandais, c'est le secteur bancaire qui a fragilisé l'État dans son ensemble. Les banques ont profité de la dérégulation financière et des taux d'intérêt bas offerts par l'euro pour prêter tous azimuts, créant ainsi une bulle immobilière. Du reste, votre gouvernement voyait en l'Irlande l'exemple de ce qu'il fallait faire en Europe. Lorsque cette bulle a éclaté, le système bancaire n'a pu résister que grâce à la garantie accordée par l'État à la dette bancaire. Mais le sauvetage des banques locales a coûté cher : 50 milliards d'euros en recapitalisation et 80 milliards d'euros d'actifs toxiques cantonnés dans une structure de défaisance, une facture qui a fait plonger le déficit public irlandais à 32 % du PIB.
Face à cette situation, les marchés financiers ont paniqué, redoutant que l'Irlande ne soit incapable de faire face à ses remboursements. Ils se sont alors mis à exiger une prime de risque de plus en plus importante, lui interdisant en fait de se financer sur les marchés. C'est pour mettre l'Irlande à l'abri des marchés que l'Union européenne a été obligée d'intervenir.
La logique du plan annoncée est claire : on nationalise les pertes et on privatise les profits. Les créanciers des banques irlandaises, banques et fonds d'investissements européens et internationaux, ne veulent pas perdre un centime d'euro. Les autorités irlandaises nationalisent leurs banques pour pouvoir rembourser toutes les dettes et rassurer les milieux financiers avec pour ambition de reprivatiser par la suite. L'Irlande ayant déjà adopté plusieurs plans de rigueur pour redresser ses comptes publics, notamment avec un plan prévoyant d'économiser 15 milliards d'euros sur quatre ans, l'Union et le FMI n'ont pas réclamé de nouvelles mesures en contrepartie de leur aide.
Au regard du budget irlandais et de la taille de ce pays, l'effort engagé par le peuple irlandais est considérable et les conséquences sont dévastatrices : augmentation du chômage, aggravation de la pauvreté et de la précarité, casse des droits sociaux et des services publics.
La vraie contrepartie au plan de sauvetage serait, en fait, une restructuration de la dette bancaire, seul moyen de faire supporter une partie des pertes à ceux qui ont prêté de l'argent aux banques et qui sont donc aussi responsables de l'emballement bancaire irlandais. Mais, pour l'heure, il n'est pas question d'exiger une restructuration de la dette bancaire – remboursement partiel des créances, étalement des échéances, etc.
Au final, avec le cas irlandais nous assistons une fois de plus à la capitulation du politique face à la pression des marchés.