Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce quatrième collectif budgétaire est un texte de transition entre une année budgétaire 2010 encore marquée par les impératifs de la relance et le projet de loi de finances pour 2011, qui opère, nous l'espérons, un basculement vers le rétablissement progressif de nos comptes publics.
La crise et la politique de relance destinée à y répondre se traduisent dans le niveau du déficit prévu pour 2010 : 148,5 milliards d'euros – 107,7 hors les investissements d'avenir et les prêts consacrés à la Grèce. La politique de relance se traduit aussi, plus positivement, dans la réévaluation constante, tout au long de l'année, de notre taux de croissance. L'hypothèse initiale de 0,75 %, très conservatrice mais que d'aucuns jugeaient néanmoins surévaluée, a ainsi pu être révisée à 1,4 % et pourrait finalement avoisiner les 2 %. Cette amélioration de la conjoncture résulte notamment de l'action volontariste de soutien à la croissance par l'investissement menée par le Gouvernement au cours des deux dernières années. Cette action a permis de ramener, au fil des collectifs budgétaires, notre déficit prévisionnel, hors prêts à la Grèce et investissements d'avenir, de 117,4 à 107,7 milliards, notamment grâce à une amélioration des recettes fiscales de 3 milliards.
Ce constat positif doit cependant être nuancé. Les recettes ne retrouvent pas leur niveau antérieur à la crise. Quant à la réduction du déficit de 3,5 milliards supplémentaires inscrite au collectif, elle repose sur des éléments exceptionnels, et non sur le surplus de croissance. En effet, les 2,2 milliards d'économie sur la charge de la dette sont dus à l'amélioration des taux, consécutive aux tensions sur d'autres dettes souveraines, et ne sont pas reconductibles. L'accroissement du stock de dette est, du reste, en raison de sa « court-termisation », un élément de fragilité en cas de remontée des taux. Par ailleurs, le versement supplémentaire d'un milliard de la Caisse des dépôts et consignations est en partie lié à un effet de rattrapage, non récurrent.
Autre bonne nouvelle : pour la deuxième année consécutive, l'État respecte l'enveloppe de dépenses prévue pour l'année – 352,6 milliards – et la norme de progression « zéro volume ». Il faut, à cet égard, féliciter le Gouvernement d'avoir poursuivi la maîtrise des dépenses, dans un contexte difficile. Néanmoins, le montant du déficit final illustre bien la nécessité de passer à une norme plus contraignante et conforte le choix du passage à une nouvelle norme zéro, en valeur cette fois.
Dans une perspective similaire, le collectif conforte la normalisation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. L'an dernier, la troisième loi de finances rectificatives pour 2009 avait déjà ramené cette dette de 3,5 milliards à 1 milliard. La mobilisation à hauteur de 1,4 milliard des excédents du panier de recettes affecté à la sécurité sociale en compensation des allégements généraux de charges permet d'apurer ce montant résiduel. Je me réjouis que cet apurement des dettes de l'État améliore la situation de l'ACOSS et allège son besoin de trésorerie – estimé, dans le PLFSS pour 2011, à un maximum de 50,8 milliards, avec un plafond d'avances de trésorerie fixé à 58 milliards pour les cinq premiers mois de l'année et à 20 milliards ensuite. Ceci est particulièrement opportun au moment où la CDC, banquier de l'ACOSS, doit retrouver des marges de manoeuvre pour ses investissements, notamment son entrée au capital de La Poste.
Au-delà de ces appréciations, le collectif permet de constater que des marges de progrès demeurent dans le budget de l'État – et je reprendrai, à ce sujet, certaines des observations formulées par Charles de Courson.
La première concerne le niveau de la dépense fiscale. En effet, le collectif acte une baisse de 1,2 milliard des recettes, qui s'explique essentiellement par un montant supplémentaire de 1,8 milliard des dépenses fiscales pesant sur l'impôt sur le revenu. Elle confirme l'importance des mesures de maîtrise des dépenses fiscales adoptées en loi de finances à la demande du Premier ministre, tant à travers la fixation d'un objectif de dépenses fiscales que des mesures accroissant l'encadrement des divers dispositifs existants. Cet effort devra être poursuivi à l'avenir, notamment grâce à un examen détaillé de chaque niche, effectué régulièrement, qui doit se substituer à la méthode empirique du rabot.
Ma deuxième remarque concerne la dynamique des dépenses de personnel de l'État. Malgré la rupture avec le passé que représente le non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la masse salariale de l'État continue de croître. En effet, la Cour des comptes a démontré que le volume même des personnels, associé au cumul des règles de progression des salaires dans la fonction publique et de restitution aux fonctionnaires de la moitié de l'économie réalisée, amène mécaniquement à une poursuite de cette croissance, laquelle devrait être de 1 % en 2010 et encore de 0,6 % en 2011.
Ce phénomène, préoccupant en soi, est aggravé par trois paramètres. Tout d'abord, le nombre de départs en retraite s'avère inférieur à la prévision, ce dont le collectif tire les conséquences. Ensuite, cette situation entraîne automatiquement un surcoût des mesures ciblées de restitution, calculées en début d'année en fonction de départs qui n'ont pas tous été réalisés. Il est donc souhaitable que le budget de 2011 procède à un rebasage qui prenne en compte ces données. Enfin, certains ministères, et c'est le plus grave, pratiquent une restitution qui dépasse largement l'objectif de 50 % fixé par la loi, ce qui n'est pas acceptable dans le contexte actuel des finances publiques.
Les dépenses de personnel sont ainsi majorées de 532 millions. Certes, le coût des pensions est minoré en contrepartie de moindres départs, mais seulement de 200 millions. Faut-il rappeler que l'importance de la masse salariale de l'État – 82,1 milliards en loi de finances initiale pour 2010 – représente 31 % de son budget – 48,8 %, soit près de la moitié, si l'on y ajoute le compte des pensions ?
Ma troisième interrogation concerne la politique immobilière de l'État. Le sujet est connu depuis longtemps, monsieur le ministre ; il a été précisément décrit dans le rapport réalisé par votre collègue Georges Tron, en juillet 2005. Yves Deniaud, dans ses fonctions de président du Conseil de l'immobilier de l'État, assure un suivi scrupuleux de ce dossier, que nous devons saluer. Comme lui, je constate que, là aussi, il reste des marges de progrès. Ainsi, le décret d'avance du 17 novembre, que le Gouvernement nous demandera, par amendement, de ratifier, prévoit 232 millions d'euros pour la location d'un immeuble visant à regrouper les services centraux du ministère de la justice situés en dehors de l'hôtel de Bourvallais, place Vendôme. Or, il s'agit d'un ministère régalien, c'est-à-dire pérenne, au périmètre stable, dont les effectifs et l'organisation sont matures. Il aurait donc semblé judicieux que la chancellerie soit depuis longtemps propriétaire de ses locaux et qu'elle se dote au moins d'une stratégie immobilière. Cela éviterait les tergiversations actuelles, puisque nous apprenons qu'un immeuble serait finalement acheté, mais que ce ne serait pas le moins cher. L'avis du Conseil de l'immobilier de l'État semble peu pris en compte par les services de la chancellerie. Ainsi, non seulement on décourage les parlementaires qui travaillent sur ces questions, mais on rend un mauvais service à la nation.
S'agissant, par ailleurs, de la pratique des décrets d'avance, force est de constater que, malgré nos efforts, la LOLF n'a pas encore produit tous ses effets quant à la limitation de cette pratique, qui reste trop souvent un moyen d'ajustement des dotations budgétaires. Au total, les ouvertures et annulations de crédit en cours d'année atteignent des niveaux tout à fait exceptionnels en 2010 : 2,116 milliards en autorisations d'engagement et 1,846 milliard en crédits de paiement, soit le double, hors plan de relance, de l'année passée. Or, je rappelle qu'aux termes de l'article 13 de la LOLF, ces décrets ne peuvent servir qu'à financer des dépenses urgentes, dont le règlement est incompatible avec le calendrier d'examen d'une loi de finances. Il doit donc s'agir de dépenses imprévisibles.
L'urgence invoquée ne peut résulter d'une situation que le Gouvernement a lui-même créée. Dans le domaine de l'immobilier, que je viens d'évoquer, le relogement des services de la chancellerie ne relève manifestement pas d'une situation d'urgence. Il en est de même pour les OPEX et pour la plus grande partie des dépenses de personnel. Je n'entrerai pas dans le détail de ces mesures, d'autres l'ont fait avant moi.
Enfin, le présent collectif comporte plusieurs mesures nouvelles importantes : réforme de la fiscalité des sociétés de personnes, du plan d'épargne logement et des taxes d'urbanisme.
S'agissant du PEL, les dispositions prises, dont il faut se féliciter, doivent permettre de mettre un terme à la désaffection des épargnants pour ce produit, qui s'est traduite par une forte décollecte entre 2005 et 2009 de 22 %, soit 51 milliards d'euros. Outre que les mesures à l'origine de ces difficultés ont un coût pour l'État – 1,2 milliard en 2010 –, elles se sont traduites par une diminution de ressources pour les établissements bancaires. J'attire votre attention sur le fait que l'amélioration du dispositif, non seulement présente l'intérêt d'inciter les ménages à constituer une épargne destinée à la réalisation d'un projet immobilier, mais sera la bienvenue pour accompagner ces établissements dans la satisfaction des nouveaux ratios prudentiels dits de Bâle III. Cet aspect des choses mérite d'être souligné au moment où les établissements bancaires mettent en avant la problématique de la liquidité. J'ajoute que cela devrait nous inciter à évaluer précisément les ressources alternatives qui peuvent se dégager pour ces établissements au sujet de la centralisation de l'épargne réglementée.
La taxe d'aménagement, qui se substitue à la multitude de taxes d'urbanisme qui préexistaient, constitue une réforme attendue depuis longtemps, sans cesse remise et sur laquelle j'avais eu l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises. Si elle est bienvenue, nous devons cependant prendre garde que la simplification du dispositif ne se traduise pas par des effets pervers comme la réduction de la marge de manoeuvre des départements.
En conclusion, ce projet de loi de finances rectificative poursuit l'effort d'assainissement de nos comptes publics ; il modernise une partie de la fiscalité locale tout en simplifiant les procédures fiscales ; il marque malgré tout les progrès qui restent à faire et la nécessité d'une amélioration de la transparence budgétaire et des inscriptions en loi de finances initiale.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP lui apportera son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)