J'y viendrai tout à l'heure, monsieur Brard.
Je suis très heureux de pouvoir exprimer devant M. le ministre des comptes publics une certaine inquiétude concernant ceux-ci. Ce collectif de fin d'année est vraiment très emblématique, mes chers collègues, des difficultés qui sont les nôtres, et en particulier de cette fragilité de nos comptes publics. Il doit nous inciter à une très grande prudence sur toutes les décisions d'ordre budgétaire ou fiscal que nous serons conduits à prendre durant les prochains mois.
Le premier point que je voudrais souligner, c'est l'extraordinaire rigidité des dépenses de l'État. J'en prendrai plusieurs exemples.
Les dépenses de personnel : chacun pourrait croire qu'avec le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, la masse salariale est maîtrisée. Pas du tout. Dans ce collectif, on est conduit à ajouter plus de 500 millions de crédits pour financer les dépenses de personnels en activité. Cela est dû, c'est vrai, au fait que les prévisions du nombre de départs en retraite ont été surestimées. Mais il y a aussi, monsieur le ministre, un point sur lequel il faut absolument que vous et vos services prêtiez attention : on constate, s'agissant des mesures catégorielles, un dépassement très important par rapport à la règle du retour à 50 %. Je me demande s'il ne s'est pas passé la chose suivante : les ministères ont calculé leurs dépenses catégorielles en fonction de prévisions de départs en retraite qui ne se sont pas réalisées ; et pourtant, les mesures catégorielles sont restées. Le président de la commission des finances et moi-même avions commandé à la Cour des comptes une étude extrêmement intéressante qui avait confirmé nos inquiétudes. C'était il y a deux mois. Sur cet aspect particulier, je pense que nous allons demander à la Cour des comptes de poursuivre son travail. Mais il faut que, de votre côté, vous regardiez les choses de près. Nous devons d'ailleurs rencontrer prochainement le ministre chargé de la fonction publique.
Et puis, il y a toutes les questions liées aux mesures de restructuration, d'indemnisation. Je pense en particulier au secteur de la défense.
Le résultat est que notre masse salariale, malgré le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, continue d'augmenter.
Le deuxième exemple, ce sont toutes les dépenses d'intervention. Il s'agit notamment de toutes celles qui figurent au titre de la mission « Travail et emploi » : les contrats aidés ; les exonérations de charges sociales, en particulier les exonérations ciblées. Il s'agit également des dépenses de solidarité, par exemple l'allocation adulte handicapé. Il s'agit encore, dans le cadre de la mission « Ville et logement », des dépenses d'hébergement.
Certes, ce sont là des crédits évaluatifs, mais les dépassements de crédits sur ces différents postes représentent 3 milliards d'euros. C'est une somme absolument colossale !
Comment ces 3 milliards d'euros sont-ils financés afin de rester dans l'épure de la règle du « zéro valeur » qui s'applique au budget dans son ensemble ? Miracle – mais les miracles, en général, ne se répètent pas, hélas –, nous constatons en cette fin d'année 2,2 milliards d'économies sur les intérêts financiers, sur les intérêts de la dette : en somme, plus on s'endette et moins cela coûte en intérêts ! Je vous le demande, cela peut-il durer ? À l'évidence, non. Déjà l'an dernier, nous avons financé les dépassements de crédits avec 3 milliards d'économies sur la dette. Cette année, nous avons 2,2 milliards d'économies sur la dette. Et pour arriver à 3 milliards, nous avons 500 millions d'économies sur le prélèvement de l'Union européenne – et il est sûr que cela ne se reproduira pas l'an prochain, en tout cas pas dans deux ans –, ainsi que quelques centaines de millions du prélèvement sur recettes au profit des collectivités locales.
Les dépassements de crédits sont quasiment structurels, et vont donc se reproduire, si l'on ne fait rien. Et ils sont financés, d'une façon exceptionnelle, par des économies qui, elles, ne peuvent pas se reproduire. Voilà pourquoi nous devons être extrêmement vigilants, monsieur le ministre.
Le deuxième aspect sur lequel je veux insister, c'est celui des recettes. Là aussi, ce collectif de fin d'année est éloquent. En effet, sur nos grandes recettes, nous nous apercevons hélas que, malgré une croissance supérieure à la prévision initiale – qui était de 0,6 %, et nous terminons l'année autour de 1,5 ou 1,6 % –, il n'y a pas de redressement significatif des recettes fiscales.
Entrons dans le détail. S'agissant de l'impôt sur le revenu, pourquoi est-on obligé de constater une baisse des recettes de 1,2 milliard ? Tout simplement, monsieur le ministre, parce que les dépenses fiscales, telles des termites, ont miné l'assiette de l'impôt sur le revenu. Par exemple, la prévision touchant les dépenses occasionnées par les crédits d'impôt s'est révélée inférieure de 1,8 milliard à la réalité. Vous assistiez ce matin à la même réunion que moi autour du Premier ministre : vous savez donc qu'au sein de ces 1,8 milliard, il y a 900 millions sur les seuls panneaux photovoltaïques, et alors même que 90 % de ces derniers ont été importés de Chine.
Je voudrais vous dire, monsieur le ministre – et sur ce point je vous renvoie au compte rendu de la commission des finances – que notre mise en garde contre ces dérapages ne date pas d'il y a quinze jours ou deux mois. Dès l'automne 2007, à la suite de l'audition du ministre compétent, nous avions dit : attention, il faut prendre au plus vite les arrêtés, nous sommes en train de créer une véritable bulle, et nous ne pourrons plus faire face. Aujourd'hui, la bulle est là, et nous sommes obligés de prendre des mesures particulièrement douloureuses, parce que très brutales.
L'exemple de ce qui s'est passé pour les recettes de TVA est lui aussi très intéressant. Lorsque, en mars dernier, il a fallu aider la Grèce,…