La principale difficulté pour les chercheurs comme pour les industriels était la limitation du moratoire dans le temps. Comment se lancer dans des projets de recherche aussi importants sans être sûr que l'autorisation obtenue sera renouvelée cinq ans plus tard ? Cette hypothèque va être levée.
Si nous souhaitons bien sûr que notre pays accueille des investissements industriels en nombre et fasse tout pour favoriser la recherche et le progrès médical, n'oublions pas qu'il est ici question de bioéthique et que jamais ne pourra être levé ce que vous tiendriez certainement, messieurs, pour des ambiguïtés. Jamais ne sera par exemple autorisée la fabrication d'hépatocytes pour tester la toxicité hépatique d'un produit qui aurait pour simple objectif d'embellir le teint d'une personne. Une telle recherche aurait peut-être un but « scientifique », mais non « médical », sans visée universelle et altruiste de soin.
Enfin, il n'est pas dans la tradition culturelle française de ne jamais autoriser ou interdire totalement. Le souci de l'équilibre et de la nuance, source de subtilités parfois difficiles à comprendre à l'étranger, je le reconnais, est consubstantiel à notre cadre même de pensée. Jamais ne prévaudra en France l'approche anglo-saxonne du contrat ou de la considération du profit. Il est emblématique à cet égard que les pays anglo-saxons n'aient pas de lois de bioéthique, mais seulement un corpus de recommandations, sachant que tout ce qui n'y est pas interdit est autorisé. J'insiste sur ces points pour ne pas faire naître d'espoirs démesurés quant à la position que pourrait adopter notre pays.
Je remercie le Pr Menasché d'avoir souligné que si une étape a été franchie dans l'utilisation thérapeutique des cellules souches embryonnaires à beaucoup plus large échelle, on est loin encore de guérir toutes les cécités ou de redonner leur motricité à tous les paraplégiques. Nous avons intérêt à suivre au plus près les évolutions de la recherche, tous les ans, et non pas seulement tous les cinq ans au risque soit d'être en retard, soit de revisiter des sujets qui n'ont pas lieu de l'être – je pense par exemple au consentement présumé pour les dons d'organes.
À titre personnel, je ne me verrais pas voter une loi autorisant les recherches sur l'embryon car celui-ci, comme l'a bien dit Axel Kahn, n'est pas une chose mais une potentialité de personne humaine, même s'il n'est pas dans notre droit une personne humaine. Une solution pourrait être de distinguer entre cette potentialité de personne humaine et la cellule éventuellement prélevée sur elle.