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Intervention de Philippe Menasché

Réunion du 1er décembre 2010 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Philippe Menasché, professeur de médecine, directeur de recherche à l'INSERM sur les thérapies cellulaires en pathologie cardio-vasculaire :

Si je vous ai donné le sentiment d'être optimiste en matière d'essais cliniques de thérapie cellulaire, c'est que je me suis mal exprimé. Je constate simplement que ce qui était une curiosité de laboratoire il n'y a pas si longtemps est devenu, même à échelle encore limitée, un produit thérapeutique susceptible d'être administré à des patients. Une étape importante a incontestablement été franchie compte tenu des difficultés techniques d'utilisation des cellules souches embryonnaires : multiplication, différenciation puis tri afin de s'assurer de l'absence dans celles qui seront injectées de toute contamination par des cellules encore pluripotentes, potentiellement tumorales. Le chemin sera encore long, les essais cliniques n'en sont pas moins devenus réalité.

Un régime d'autorisation serait-il source de davantage de contentieux ? Le vrai problème me paraît plutôt tenir à l'ambiguïté de la position française, incomprise à l'étranger. Certains pays d'Europe, comme l'Irlande ou l'Italie, interdisent toute recherche sur les cellules souches embryonnaires. D'autres, on sait lesquels, les autorisent. La législation française ne fait ni l'un ni l'autre, tout en faisant un peu les deux, ce qui en définitive mécontente tout le monde. Quel que soit le régime finalement retenu dans la nouvelle loi, nous souhaitons d'abord que la France adopte une position claire.

Certaines firmes auraient-elles refusé de s'implanter en France du fait de notre cadre législatif ? Le problème ne s'est pas encore rencontré car les essais cliniques ne font que démarrer. Mais la société américaine ACT, à l'origine du projet de traitement de la dégénérescence maculaire par des progéniteurs rétiniens, qui commence à prospecter pour s'implanter en Europe, n'hésitera pas longtemps entre un pays où la législation est claire et un autre où celle-ci est ambiguë. Si on maintient le cadre législatif actuel, trop subtil, l'une des premières firmes potentiellement intéressées par notre pays risque bel et bien de s'installer ailleurs !

Les recherches sur les cellules souches embryonnaires susciteraient l'émotion chez nos concitoyens, avez-vous dit. Pour ma part, j'ai pu constater lors des États généraux de la bioéthique que si on leur expliquait de manière simple la situation, ils comprenaient parfaitement que des embryons surnuméraires congelés, issus de techniques d'AMP – que je n'ai entendu personne remettre en question – et voués à être détruits au bout d'un certain temps s'ils ne font plus l'objet d'un projet parental puissent, si le couple en est d'accord, être donnés à un autre couple infertile mais aussi servir à des recherches à visée thérapeutique. Nos concitoyens n'en étaient en tout cas pas choqués.

Je ne reviens pas sur le sujet de l'industrie pharmaceutique. Je confirme seulement que jusqu'à un passé récent, le domaine des cellules souches, embryonnaires ou adultes d'ailleurs, n'intéressait que les petites biothèques alors que depuis peu, les grandes firmes pharmaceutiques s'y impliquent davantage, ne voulant pas rater le coche de nouvelles perspectives thérapeutiques.

Je ne suis pas vraiment compétent pour répondre sur la question de l'encadrement éthique. Les projets soumis à l'Agence de la biomédecine sont évalués en fonction de deux critères : la pertinence scientifique et la pertinence clinique. Le respect de ces deux critères permet d'éviter les dérives. Il y a quelques années, une toute nouvelle équipe française qui souhaitait différencier des cellules souches embryonnaires en hépatocytes, avait demandé à importer quinze lignées. Cela lui a été refusé au motif que, comme elle n'avait pas encore apporté la preuve de sa maîtrise de la technique, rien ne justifiait sur le plan scientifique qu'elle travaille sur quinze lignées. Elle n'a été autorisée dans un premier temps à en importer qu'une seule. Après évaluation de ses capacités et de ses résultats, ses demandes ultérieures d'importation de lignées supplémentaires ont été considérées de manière différente.

Je voudrais insister sur le fait qu'au stade de très grande ignorance où on est encore, il ne faudrait pas, dans l'application de ces deux critères, pénaliser les projets de recherche à visée plus cognitive au profit de ceux visant d'emblée des applications cliniques. La recherche fondamentale demeure essentielle.

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