Je ne suis pas demandeur de la levée de l'anonymat, mais je ne suis pas non plus autiste face aux conséquences pour les enfants d'une évolution de notre société. J'ai observé que certains couples ayant eu recours au sperme d'un donneur se sont laissés convaincre que la réalité des origines était à ce point essentielle que leur devoir était de ne rien celer à l'enfant des conditions de sa conception. Le nombre d'enfants conçus de cette manière et le sachant est donc appelé à augmenter. Or, je l'admets, cette situation peut créer chez eux une souffrance, voire une détresse, à laquelle il faut répondre. La Charte des droits de l'enfant et l'évolution mondiale en ce domaine ne nous permettent pas de proposer une norme qui consisterait à masquer les conditions de l'engendrement. Ma position a donc évolué et je considère que quelques indications pourraient apporter aux enfants qui le souhaitent l'information dont ils ont besoin.
Celle-ci ne saurait cependant en aucun cas avoir un effet rétroactif. Certains hommes très généreux qui ont donné leur sperme et ainsi permis la naissance de plusieurs enfants ne s'attendent pas à voir frapper à leur porte une dizaine de personnes qui voudraient rencontrer leur papa ! Ce serait indigne pour ces hommes qui n'auraient pas été prévenus.
La levée de l'anonymat pourrait en outre dissuader de nombreux donneurs. Dès lors qu'on les informerait qu'il serait possible, à la demande d'enfants souffrant d'une absence de réponse à la question de leur origine, de donner quelques indications sur leur compte sans dévoiler leur identité, voire leur demander s'ils accepteraient de rencontrer cet enfant, la situation concernerait deux personnes humaines, l'une et l'autre investies de droits et de devoirs. On peut comprendre la quête d'un enfant qui demande à remonter à l'origine paternelle, mais cela ne saurait être une injonction absolue pour un donneur de sperme qui n'aurait pas consenti à révéler son identité. C'est là une situation classique où les intérêts de deux agents moraux sont en contradiction. Il convient donc de préciser qu'une éventuelle rencontre nécessite l'accord des deux parties.