Je suis d'avis que la loi précise à partir de quel moment un embryon conçu dans le cadre d'une AMP, qui n'a pas été utilisé ou donné à un autre couple, et ne pourra donc jamais se développer puisque de toute façon, après un certain temps de cryoconservation, l'embryon perd la propriété de pouvoir reprendre son développement, peut être utilisé dans une recherche à visée médicale, bien entendu très contrôlée.
Le cardinal Lustiger, grand intellectuel qui se trouvait être un ami, considérait que ma manière de voir, alors que je suis plutôt agnostique, méritait tout autant d'être prise en considération que celle des Églises. Je le répète, j'ai eu l'occasion de m'exprimer devant l'Assemblée épiscopale de France ou des spécialistes de ces questions au Vatican qui ne m'ont jamais expliqué en quoi la conservation ad aeternam de l'embryon témoignerait d'un plus grand respect de sa singularité que la possibilité de son utilisation à des fins médicales.
Une fois réaffirmé qu'aucun embryon ne peut être créé à des fins expérimentales, il me paraîtrait préférable que les recherches sur des embryons cryoconservés, voués à n'être rien, soient autorisées avec l'encadrement et les restrictions nécessaires, plutôt que de continuer d'être interdites, avec dérogations sous moratoire. L'inventivité de l'idée de moratoire à une interdiction m'a d'ailleurs toujours amusé. En effet, la loi de bioéthique votée en première lecture en 2002 – souvenons-nous qu'on avait alors été près d'accepter le clonage thérapeutique, ce à quoi je m'étais vigoureusement opposé – autorisait la recherche sur l'embryon, dans les conditions que je viens d'indiquer. En 2004, lorsqu'après le changement de majorité, Jean-François Mattei, catholique fervent et scientifique de talent, est devenu ministre de la santé, il s'est trouvé dans une position inconfortable dont il s'est sorti par l'ingénieuse proposition de maintenir l'interdiction tout en l'assortissant d'un moratoire pendant cinq ans. Je comprends comment on a pu en arriver à cette construction dans ce cas particulier mais il me semble préférable, aujourd'hui, de sortir de l'ambiguïté.