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Intervention de Emmanuelle Prada-Bordenave

Réunion du 1er décembre 2010 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l'Agence de la biomédecine :

Sur la centaine d'autorisations délivrées par l'Agence de biomédecine, madame Aurillac, il faut distinguer entre les protocoles de recherche et les demandes de conservation et d'importation. Un projet donné pouvant faire l'objet de trois demandes, et donc de trois décisions, le nombre d'autorisations est supérieur à celui des projets de recherche. La France compte une trentaine d'équipes dont le projet a été autorisé et une petite quarantaine de projets en cours. Lorsqu'il se heurte au refus d'autorisation de l'Agence, un projet de recherche arrête là son parcours. À l'inverse, il nous est arrivé de retirer des autorisations à des équipes qui avaient abandonné leur projet initial, afin d'assurer la traçabilité des cellules souches embryonnaires.

Plus généralement, l'Agence a mis en place un dispositif permettant d'assurer le suivi et la traçabilité des cellules différenciées et des cellules souches embryonnaires humaines. Une mission d'inspection de l'Agence se rend dans les laboratoires un an après la délivrance de l'autorisation, et les équipes de recherche doivent nous adresser chaque année un bilan de leurs travaux.

Je n'ai pas, en tant que fonctionnaire de la République, à avoir de position personnelle sur la question du transfert d'embryon post mortem.

Il est rare qu'un projet qui nous semble trop « en dehors des clous » parvienne jusqu'au conseil d'orientation. Grâce au conseil, l'Agence est parvenue à donner de cette loi une interprétation conforme à l'intention du législateur de 2004 telle qu'elle se dégage des débats législatifs. Ceux-ci attestaient notamment de sa volonté qu'il y ait en France des recherches sur les cellules souches embryonnaires et indiquaient lesquelles : c'est ce qui nous a guidés au moment d'accorder ou de refuser des autorisations.

Que la recherche porte sur des cellules embryonnaires ou sur l'embryon in toto, il faut savoir que l'embryon est toujours détruit – « lysé », comme disent les chercheurs. On ne peut faire autrement pour dériver une lignée de cellules souches embryonnaires. Beaucoup des lignées sur lesquels nos chercheurs travaillent sont anciennes, certaines datant de 1998. Elles sont utilisées dans le monde entier, ce qui permet de comparer les résultats. Quant aux recherches sur l'embryon in toto, elles entraînent aussi sa destruction. Ces dernières devraient nous éclairer sur les premières phases de développement de l'embryon, ce qui pourrait permettre d'améliorer les résultats de la PMA – aujourd'hui de 30 %, ce qui est plutôt un bon résultat, sachant que la fertilité naturelle ne dépasse pas 25 %. Elles présentent aussi l'intérêt, d'aider à comprendre les mutations génétiques ou chromosomiques qui interviennent sans raison apparente au tout début du développement embryonnaire, et même des mécanismes normaux, comme celui qui préside à l'inactivation de l'un des deux chromosomes X chez la fille. La compréhension de l'activation ou non de certains gènes et chromosomes permettra peut-être de parvenir un jour à inactiver un chromosome en trop, comme dans le cas de la trisomie 21.

L'Agence assure la traçabilité de ces embryons en délivrant aux laboratoires un code pour chacun d'eux.

J'ai retenu de mes cours de libertés publiques qu'une activité relève d'un régime restrictif de liberté dès lors que son exercice doit être autorisé. La façon dont l'Agence mettra en oeuvre un nouveau régime juridique de la recherche sur l'embryon dépendra, non seulement du texte de loi, mais aussi de l'intention du législateur : veut-il ou non que ces recherches se poursuivent en France à un très haut niveau ?

En ce qui concerne le critère de la finalité de ces recherches, notre interprétation est stricte : nous vérifions qu'elles visent à soigner des maladies très graves. C'est le sens des « perspectives thérapeutiques » évoquées par le législateur. Si celui-ci exprime sa volonté de persister dans cette voie, substituer « médical » à « thérapeutique » ne changera rien. En revanche, si l'emploi du terme « médical » traduit votre volonté d'autoriser ce type de recherche pour le traitement de pathologies plus courantes, y compris bénignes, c'est une autre affaire. Pourquoi pas ? Quoi qu'il en soit, l'Agence restera à l'écoute du signal que vous donnerez.

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