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Intervention de Françoise Briand

Réunion du 1er décembre 2010 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Briand, rapporteur :

Nous examinons ce matin cinq articles du projet de loi de finances rectificative : les articles 6, 8 et 11 traitent de l'évolution budgétaire de la mission « Défense » et de l'état d'avancement des projets liés aux recettes exceptionnelles. Les articles 39 et 40 permettent de continuer deux projets inscrits dans la loi de programmation militaire (LPM) : la privatisation de la SNPE et la poursuite du programme A400M.

En matière budgétaire, l'article 6 annule, pour le budget général, 2,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,75 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). La défense échappe à cet effort puisque ses crédits augmentent de 387 millions d'euros. Cet abondement permet notamment de faire face aux dépenses liées aux OPEX.

Bien que nous ayons progressivement augmenté la dotation initiale pour les OPEX, elle ne suffit toujours pas à couvrir l'ensemble des besoins. En gestion, la défense doit donc dégager des ressources supplémentaires : le décret d'avance, ratifié par l'article 11, gage cette hausse sur les crédits du programme 146 (Équipement des forces). En 2010, ce sont ainsi quelque 218 millions d'euros de CP qui ont été prélevés sur le programme 146 au profit des OPEX.

Ce système n'est pas à remettre en cause, à condition que ces crédits soient rétablis en loi de finances rectificative. Les années précédentes, la correction ne se faisait pas, ce qui revenait donc à annuler les crédits gagés.

La LPM a mis fin à cette pratique en prévoyant que tous les ministères participent à cet effort au travers de la réserve interministérielle de précaution. Ce système a été mis en oeuvre pour la première fois en 2009, même si le ministère de la défense avait dû cependant faire un effort de 45 millions d'euros en gestion. En 2010, la défense obtient une compensation intégrale, sans aucun effort en gestion. Les 218 millions d'euros gagés par le décret d'avance sont donc bien rétablis. C'est une avancée majeure et nous devons nous en réjouir.

Si la situation s'est normalisée, c'est aussi que la défense est arrivée à maintenir le surcoût des OPEX au même niveau que l'année dernière, soit 867 millions d'euros. Cette stabilisation est due au désengagement sur de nombreux théâtres comme au Tchad ou dans les Balkans. Pourtant, le théâtre afghan coûte toujours plus cher, empêchant une diminution des dépenses globales. À titre de comparaison, je note que le coût unitaire d'un soldat engagé en Afghanistan est de 122 000 euros par an alors qu'il n'est que de 66 000 euros au Liban.

J'en viens maintenant aux mesures concernant les recettes exceptionnelles. Comme le ministre l'a indiqué lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, il n'a pas été possible de respecter le calendrier initial, ni pour la vente des emprises, ni pour la cession des fréquences. L'article 8 du PLFR en tire les conséquences en diminuant les recettes de 20 millions d'euros pour les emprises et de 600 millions pour les fréquences. Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'annulations au sens strict mais plutôt d'un décalage : les recettes sont bien réelles, elles n'interviendront que plus tard. Pour les fréquences, l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) garantit à la défense des revenus pour l'été 2011. Dans l'intervalle, je note que le ministère a obtenu des mesures compensatoires, notamment avec l'autorisation de consommation de reports de crédits. Les modifications qui nous sont proposées ne font que constater la réalité de la situation et ne portent en rien préjudice à l'équilibre financier du ministère de la défense.

Les articles 39 et 40 du projet concernent quant à eux la SNPE et l'A400M.

La loi de programmation militaire a autorisé la privatisation de la SNPE, notamment pour permettre un rapprochement de sa filiale SNPE-matériaux énergétiques (SNPE-ME) avec Safran. Depuis l'adoption de la LPM, les négociations ont abouti entre la SNPE et Safran, le groupe acceptant d'acheter la SNPE-ME, ses filiales majoritaires et ses participations dans Roxel et Regulus. Eurenco est en revanche exclue du champ, le ministère de la défense souhaitant que ses activités restent sous le contrôle direct de l'État.

L'objectif de Safran est bien de poursuivre l'activité de la SNPE pour constituer un pôle français unique dans le domaine de la propulsion solide. Il n'est nullement question d'une réorganisation de la filière ou de la fermeture de sites.

La plupart des emprises concernées par cette cession sont des sites pyrotechniques, c'est-à-dire qu'ils sont fortement pollués et ce depuis très longtemps. L'État ne peut se dédouaner de ses obligations environnementales en tant qu'exploitant historique. Safran ne peut pas non plus accepter de reprendre gratuitement ce passif environnemental et les risques associés. Si l'activité est arrêtée ou que celle des sites change, il faudra en effet réaliser d'importantes opérations de dépollution.

Safran souhaitant poursuivre l'activité de la SNPE, les coûts de dépollution ne sont que potentiels. Il ne faudra engager de telles opérations que si l'environnement réglementaire change drastiquement ou que si la France renonce à la propulsion solide, c'est-à-dire si nous abandonnons les missiles balistiques et les programmes spatiaux. Je ne pense pas qu'une telle option soit envisageable au vu du succès de ces programmes. Le programme Ariane 5 en est par exemple à son quarantième succès d'affilée.

Pour couvrir ce risque éventuel, la SNPE a donc accordé une garantie à Safran : si le groupe est contraint de dépolluer, la SNPE paiera, dans la limite de 216 millions d'euros. Je précise que cette garantie ne pourra pas être mise en oeuvre si Safran décide de réorganiser ses unités de son propre chef.

La SNPE devrait donc conserver en trésorerie une somme correspondant à la garantie, ce qui n'est pas pertinent en termes de gestion des entreprises publiques. Pour éviter cette charge de trésorerie inutile, l'article 39 prévoit que l'État accorde une garantie de 216 millions d'euros à la SNPE. La société ne pourra la faire jouer que si Safran recourt à sa propre garantie.

Ce mécanisme est pertinent et raisonnable. Pertinent car il évite d'immobiliser inutilement des sommes importantes sur le compte de la SNPE. Raisonnable car la garantie est limitée à 216 millions d'euros et uniquement jusqu'au 1er janvier 2052. Au-delà de cette date, on peut en effet considérer que la responsabilité historique de l'État s'efface devant celle de l'exploitant.

L'article 40 met en place un autre système de garantie pour assurer le financement de l'A400M. Le 5 mars dernier, EADS et ses clients sont parvenus à un accord qui prévoit, outre l'augmentation de 10 % du coût du programme et le renoncement aux pénalités de retard, que les États accordent à l'industriel une avance remboursable de 1,5 milliard d'euros, appelée « Export Levy Facility ». Comme l'a indiqué le délégué général pour l'armement devant notre commission le 24 mars, cette avance sera remboursée sur l'export : à chaque appareil vendu, EADS reversera une somme, ce versement augmentant au fur et à mesure de la progression des exportations. En d'autres termes, pour le premier appareil exporté, EADS remboursera quelques centaines de milliers d'euros ; en fin de trajectoire, il versera plusieurs millions d'euros.

Dès lors que nous considérons ce programme comme indispensable et prioritaire, il ne me semble pas que ce choix fasse débat en termes d'opportunité. Il existe plusieurs possibilités de le mettre en oeuvre : la France peut accorder cette avance remboursable sur ses fonds propres et la transformer en dépense budgétaire. Ce n'est cependant pas satisfaisant car cela reviendrait à inscrire dans le budget de l'État une dépense qui n'en est pas une puisqu'il s'agit d'une avance remboursable. Par ailleurs, certains de nos partenaires, comme l'Allemagne, préfèrent recourir à un intermédiaire pour ce type d'opérations. La France a donc demandé à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) d'intervenir : la caisse va avancer 417 millions d'euros à EADS et percevra les remboursements d'ici le 1er janvier 2041.

La caisse n'étant pas partie prenante au contrat, elle n'a pas à supporter le risque d'un tel projet. L'article 40 prévoit donc que l'État garantit à la CDC le remboursement de l'avance. En couvrant le risque de l'exportation, la France marque sa confiance dans le programme et envoie un signal positif très fort à tous les clients potentiels. La prise de risque est mesurée car les hypothèses sous-jacentes sont très raisonnables, avec une estimation de 250 à 300 appareils exportés.

Le projet de loi de finances rectificative respecte donc parfaitement les grands axes de la programmation militaire, montrant bien que la défense reste un domaine stratégique qui doit être préservé, même en période de crise.

Je vous invite, mes chers collègues, à donner un avis favorable à l'adoption de ces cinq articles.

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