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Intervention de Christian Noyer

Réunion du 24 novembre 2010 à 17h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France :

Le stock de produits très sophistiqués circule peu. Rares sont les investisseurs finaux qui se risquent à les acheter. Certains sont dans des portefeuilles et ils ont été déclassés. D'autres ont été repris par les banques qui n'ont pas voulu laisser leurs OPCVM afficher des performances désastreuses. Nous avons été assez stricts sur les règles de provisionnement pour éviter de nouvelles déconvenues. Enfin, certains ont été repris par des hedge funds qui spéculent dessus – et qui ont assez souvent enregistré des pertes. Éviter une nouvelle crise doit être notre préoccupation, et il est clair que les choses se passeront d'autant mieux à l'avenir qu'on aura interdit ces produits opaques ou empêché leur utilisation.

Parmi les réformes importantes, il y a la décision américaine de placer les banques d'investissement, qu'elles soient adossées ou non à des grands groupes bancaires universels, sous la surveillance de la Fed, qui est un superviseur rigoureux.

Il faut savoir que, dans chaque pays, la politique monétaire cherche à s'adapter à la réalité économique nationale. Que certaines banques centrales se soient moins préoccupées des liquidités a pu les conduire à mener une politique monétaire plus accommodante qu'elle n'aurait dû être, à leur jugement d'aujourd'hui. La courbe très aplatie des taux n'est pas le fait des seules banques centrales. Les très importants déséquilibres de balance des paiements, notamment entre les États-Unis et la Chine, ont conduit à une accumulation de réserves de change dans les pays excédentaires. Ils les ont ensuite placées en bons du Trésor américain, contribuant ainsi à déprimer les taux à long terme aux États-Unis. Les investisseurs privés, trouvant les rendements insuffisants, se sont détournés des obligations d'État au profit de produits plus risqués, qui se sont développés avec les conséquences que l'on connaît. C'est cet enchaînement qui a fait dire au G20 que les déséquilibres mondiaux étaient en eux-mêmes un risque pour la stabilité financière mondiale, d'où la nécessité de les réduire et de les contrôler.

Aujourd'hui, le souci de la Fed, c'est l'économie réelle américaine. Elle cherche à faire redémarrer la demande interne, en particulier la demande de logement, en contribuant à stabiliser les prix et à faciliter la distribution de crédit. Le danger d'une spirale déflationniste aux États-Unis, où le marché est plus flexible, est plus grand qu'en Europe où, à quelques rares exceptions près, les salaires et les prix ne baissent pas. La Fed n'a pas du tout pour objectif de relancer l'inflation, elle veut revenir à son objectif de stabilité des prix, qui est pratiquement celui de la BCE – un peu moins de 2 %.

La question de Mme Grosskost sur le Fonds européen de stabilisation me permet de revenir un instant sur la spécificité de chaque cas en Europe. Aucun autre État que la Grèce n'a commis de telles erreurs sur le niveau des déficits et de telles défaillances dans le reporting à l'Union européenne. L'Espagne n'est pas l'Irlande car ses banques ont été bien gérées, bien capitalisées, et surtout bien provisionnées grâce au système de provisionnement dynamique mis en place par la Banque d'Espagne. Et c'est l'une des grandes leçons de la crise. Il faut modifier certaines règles comptables de façon à mieux prendre en compte les pertes attendues sur le cycle. Il vaudrait mieux provisionner de façon anticipée, sans attendre l'accident. Les caisses d'épargne ont des difficultés mais l'État est intervenu et le problème a été traité même si l'organisation administrative décentralisée a compliqué le processus. Le Portugal est encore un cas différent. L'idée de la contagion automatique ne me semble reposer sur rien ; c'est un effet de mode.

Quant au contrôle prudentiel, je tiens à vous rassurer. Toutes les banques, toutes les compagnies d'assurance et toutes les mutuelles sont contrôlées. Le contrôle s'exerce à la fois sur pièces et sur place. Dans le second cas, les petits établissements sont contrôlés en totalité, et, dans les grands, nous menons des inspections thématiques ou sectorielles. Nous allons chaque année dans toutes les grandes banques pour examiner telle ou telle activité. Nous nous attachons également à vérifier la qualité du contrôle interne. Si nous avons la preuve que l'inspection interne travaille bien dans un secteur, nous pouvons avoir un préjugé favorable pour le reste de son activité. À la Société Générale, nous avions ainsi vérifié sur une ligne de produit que ses recommandations sur le « doublonnage » des contrôles de sécurité avaient bien été mises en oeuvre. Malheureusement pas dans le département où travaillait M. Kerviel et où elles ne l'avaient pas été.

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