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Intervention de Christian Noyer

Réunion du 24 novembre 2010 à 17h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France :

Si le produit est simple, il permet de réduire l'exposition de son portefeuille à l'évolution des cours de bourse, sans avoir à s'en débarrasser. Par exemple, si un gérant de SICAV désire réduire son exposition à l'indice CAC 40 pour investir dans les produits de taux ou en obligations, plutôt que vendre 5 % du portefeuille, il achètera des dérivés de taux de façon à modifier la sensibilité globale de son portefeuille. Les dérivés sur indices ont un intérêt pour les gestionnaires à condition qu'ils soient simples.

Monsieur Brard, oui, nous allons visiter les banques, avec la ferme intention de veiller à ce qu'il y existe des chaînes de contrôle croisé et, outre un contrôle hiérarchique, une surveillance à plusieurs niveaux. Derrière le front office où opèrent les traders, se trouvent successivement le middle office, qui contrôle les positions, et le back office qui dépouille la totalité des ordres pour vérifier que toutes les opérations sont enregistrées et les limites fixées par les instances de direction de la banque respectées. Après l'affaire Kerviel, nous avons obligé les banques à mettre en place des alertes à différents niveaux, y compris la direction générale, le conseil d'administration et le régulateur lui-même. Là encore, nous veillons à ce qu'il en soit partout ainsi et, lorsque nous détectons une défaillance, nous la faisons corriger séance tenante. Ce que vous avez vu à la BNP, nous l'exigeons de tout le monde.

La crise grecque a été déclenchée par la révélation que les déficits et la dette publics étaient beaucoup plus importants que prévu. Beaucoup d'opérateurs de marché en ont conclu que la Grèce serait incapable de s'en sortir seule et ils se sont méfiés. Notre action concertée de rachat de titres a empêché les taux d'atteindre des niveaux sans rapport avec les risques eux-mêmes. Nous sommes intervenus sur le marché secondaire parce que le mécanisme de transmission de la politique monétaire ne fonctionnait plus. Les taux d'intérêt sur la dette grecque montaient à des niveaux stratosphériques sous l'effet d'une défiance généralisée. Les banques grecques subissaient les mêmes variations sur leurs conditions de refinancement, qui se répercutaient sur les taux des crédits qu'elles proposaient.

Aussi bas qu'aient été les taux de la BCE, ils n'empêchaient pas les taux de refinancement de l'économie grecque de s'envoler à 20, 30 ou 50 %, si bien qu'il n'y avait plus de politique monétaire européenne en Grèce. Or la Grèce fait partie de la zone euro. C'est ce constat qui a fini par emporter l'adhésion du conseil des gouverneurs. Nous avons donc calmé le jeu provisoirement mais ce sont les États qui peuvent stabiliser durablement le marché. Le plus important a été fait par eux, avec la mise en place du Fonds de stabilisation, et par le FMI.

Je ne partage pas du tout l'opinion des traders que vous avez rencontrés, monsieur Brard. Selon le raisonnement traditionnel du FMI, quand un pays est confronté à des difficultés, il faut prendre des mesures de politique économique pour corriger la trajectoire, c'est-à-dire réduire le déficit budgétaire et renforcer la compétitivité de l'économie. D'où la conditionnalité de ses interventions. Il faut ensuite faire en sorte que le pays n'ait pas recours aux marchés, le temps que ses efforts portent leurs fruits et que son économie reparte en sorte qu'il soit ensuite capable d'honorer ses engagements. Ce n'est qu'après que, la confiance retrouvée, le refinancement normal par obligations d'État pourra reprendre. C'est pour cette raison qu'un programme du FMI s'étale toujours sur deux ou trois ans, parfois davantage. Indépendamment du jugement que l'on porte sur l'Union européenne, il n'y a pas de raison d'avoir moins confiance dans le FMI quand il intervient en Grèce que lorsqu'il intervient – avec succès – en Corée du Sud ou au Mexique.

Je combats fermement l'idée d'un enchaînement de cataclysmes car chaque pays est un cas particulier. En Irlande, le secteur bancaire qui avait été presque entièrement garanti par l'État a perdu l'équivalent de 20 points de PIB, ce qui, d'un coup, a fait gonfler d'autant la dette publique, sans compter les effets de la crise. Tout cela rendait inévitable une aide extérieure et c'est ce qui explique la réaction des marchés. Cela étant, je rappelle que, dans les années qui ont précédé la création de l'euro et jusqu'au déclenchement de la crise, l'Irlande a fait baisser son taux d'endettement public de 120 à 40 % du PIB. Elle a fait la preuve qu'elle pouvait suivre une politique budgétaire rigoureuse. Certes la conjoncture était différente, mais j'espère que le contribuable rentrera dans ses frais.

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