C'est un des dispositifs le plus compliqués que j'aie vus depuis que je suis rapporteur général ! Les services de l'État m'ont gentiment assuré qu'il était au point, parce qu'ils y travaillaient depuis quatre ans. Et nous n'aurions que quelques jours pour l'examiner…
Ce dispositif concerne les sociétés de personnes dites translucides d'un point de vue fiscal, telles que les sociétés civiles immobilières ou les sociétés en nom collectif. Ces sociétés sont des entités fiscales : le calcul de l'impôt est affecté à leur niveau, mais l'impôt est acquitté par les associés, au prorata de leur part de détention de la société. Il y a deux types d'associés : les personnes physiques qui relèvent de l'impôt sur le revenu, et les personnes morales qui relèvent de l'impôt sur les sociétés.
Pour ce qui est des personnes physiques, le Gouvernement propose d'améliorer la règle de « tunnellisation » des revenus, mise en place progressivement dans les années 1990. Selon cette règle, un déficit industriel et commercial ne peut pas être imputé sur un revenu constitué de salaires, et un déficit foncier ne peut être imputé sur le revenu global que dans la limite de 10 700 euros annuels. Bref, on a tunnellisé les catégories de revenus pour éviter une évaporation d'assiette. Or, les sociétés de personnes permettent une détunnellisation. Ainsi, si l'on fait un investissement immobilier qui crée du déficit parce qu'il est financé par un emprunt et qu'on le loge dans une société en nom collectif, on peut imputer ce déficit immobilier sur ses bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou encore sur ses bénéfices agricoles (BA), bien que le déficit ne soit pas de même nature. Le Gouvernement propose donc de n'accepter l'imputation sur la catégorie de revenus que pour autant que le bien qui produit le déficit relève de cette catégorie. Cela va dans le bon sens et je vous propose d'adopter ces dispositions.
Pour ce qui est des personnes morales, l'impôt sur les sociétés comprend trois dispositions favorables, qui sont nécessaires parce que les autres pays européens les pratiquent aussi. La première est le régime de groupe, ou intégration fiscale : lorsqu'on détient des filiales à plus de 95 %, on peut compenser les résultats déficitaires des unes avec les résultats bénéficiaires des autres et apprécier le résultat au niveau consolidé du groupe. Cette disposition apparaît dans le travail qu'a fait la Cour des comptes à notre demande sur les niches fiscales et sociales, même si ce n'est pas à proprement parler une niche. La deuxième disposition est le régime mère-fille : lorsque l'on détient une filiale à plus de 5 %, les dividendes perçus peuvent être remontés dans la société mère. Toutefois, ces dividendes ont déjà été fiscalisés, puisqu'ils ont été versés après paiement de l'impôt sur les sociétés par la filiale. Ils ne sont donc plus fiscalisés dans la société mère, sauf pour une quote-part de 5 %. Enfin, la troisième série de dispositions concerne les plus-values, sur cession de titres de participation ou cession immobilière par exemple.
Les sociétés de personnes qui ont pour associés des personnes morales ne sont pas complètement transparentes, mais translucides : le calcul de l'assiette de l'impôt se fait à leur niveau. Elles interdisent donc le bénéfice de ces trois régimes favorables. Le Gouvernement propose de les rendre transparentes, c'est-à-dire de permettre aux associés de bénéficier à la fois du montage en société de personnes et de ces dispositifs, ce qui rendrait possibles des montages aboutissant à une réduction supplémentaire de l'assiette de l'impôt. Or, aucune étude d'impact ne nous a été fournie.