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Intervention de Martine Billard

Réunion du 2 décembre 2010 à 9h30
Souveraineté du peuple en matière budgétaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

D'abord, je précise que, même si la zone euro est concernée au premier chef par notre débat, les vingt-sept pays de l'Union européenne le sont aussi.

Ensuite, pour éviter les faux débats, je rappelle que les membres du groupe de la Gauche unitaire européenne, qui rassemble au Parlement européen les députés de la même tendance politique que les membres du groupe GDR, ont voté contre le rapport de Mme Pervenche Berès. Ils l'ont fait précisément, entre autres motifs, en raison de divergences sur les questions budgétaires.

Nous avons un désaccord de fond sur les causes de la crise en cours en Europe. Selon nous, elle est la conséquence des politiques fiscales menées sous l'impulsion libérale qu'ont connue quasiment tous les pays de l'Union. Les baisses systématiques de la fiscalité ont causé des déficits budgétaires, tandis que les mêmes banques dont on assure le sauvetage propagent la crise de pays en pays.

Les banques, sauvées par de prétendus programmes d'aide aux nations qui n'aident en fait que les banques, s'en prennent aux pays les uns après les autres. Une fois les établissements bancaires grecs sortis d'affaire, elles ont pu s'attaquer à l'Irlande, grâce aux profits qu'elles ont accumulés. Une fois les banques sauvées en Irlande, elles pourront s'attaquer au Portugal avant de faire d'autres victimes. La France n'est d'ailleurs malheureusement pas à l'abri car, avec une dette et un déficit élevés, elle n'est pas plus vertueuse que nombre de pays de l'Union.

Aujourd'hui, on nous tient de grands discours pour appeler à une meilleure coordination entre États européens. Pourtant, une coordination existait bel et bien ; elle visait dans tous les pays membres à baisser la fiscalité, notamment celle touchant le patrimoine et le capital. Or c'est précisément cette politique coordonnée qui nous a menés à la crise. La seule proposition des groupes politiques majoritaires en Europe consiste à nous dire qu'il faut continuer. Ils nous mènent dans le mur et, finalement, les peuples paient en subissant partout des programmes d'austérité, tandis que les banques et les institutions financières sauvent leurs dividendes et continuent à spéculer partout sur la planète.

M. Lequiller a parlé d'un premier pas vers un gouvernement économique de l'Union qui permettra de ne pas créer de distorsions de concurrence. Dans toutes les interventions, y compris celle du secrétaire d'État, j'ai remarqué deux grandes absences : celles de la question sociale et de la question environnementale.

Si, pour notre part, nous sommes partisans de meilleures coordinations au niveau européen, c'est pour que soit créée une société plus juste socialement, moins inégale, et qui prenne en compte les défis écologiques auxquels est confrontée toute la planète, comme le réchauffement climatique ou la perte de biodiversité. Tout cela est totalement absent de vos discours, qui nous fixent comme unique objectif la concurrence libre et non faussée.

En ce qui concerne la coercition, il ne faut pas se cacher derrière les mots. Une surveillance économique sera mise en place sur la base d'une batterie d'indicateurs dont le Parlement européen a déjà dressé une liste comprenant la mise en oeuvre d'une réforme des régimes de retraite, des coûts salariaux unitaires, la croissance du crédit et l'évolution des prix des actifs, l'élargissement de l'assiette d'imposition…

Or nous savons bien comment il faut comprendre ces notions dans tous les débats européens actuels. L'objectif restera la baisse du coût du travail – ce qui se traduit par une baisse des salaires déjà à l'oeuvre dans certains pays –, ou le transfert des cotisations finançant la protection sociale vers une TVA sociale ou vers l'impôt, qui sont à la charge de tous. Au final, il s'agit d'augmenter encore la part des dividendes.

À ce sujet, je rappelle que le calcul des dividendes se fait après investissement. Autrement dit, l'augmentation des dividendes ne permet même pas de faire les investissements nécessaires à la relance de la production industrielle en Europe, et en particulier en France.

Enfin, je constate que, dans le cadre du semestre européen, le Parlement français n'aura que quinze jours pour débattre. Il devra le faire dans les deux dernières semaines d'avril, avant la transmission à la Commission européenne des programmes de stabilité et des programmes nationaux de réforme. Le Gouvernement annonce qu'il fera une déclaration et qu'elle sera suivie d'un vote. Il reste, par exemple, que le Parlement ne pourra pas déposer de proposition de résolution au titre de l'article 88-4 de la Constitution : une telle démarche demande au moins un délai d'un mois. Le Parlement est donc privé d'une de ses prérogatives constitutionnelles.

De la même façon, le Parlement ne pourra pas s'exprimer sur l'avis du Conseil européen sur les programmes de stabilité qui sera rendu à la fin du mois de juillet puisque, généralement, il ne siège pas pendant cette période – même les sessions extraordinaires sont closes.

Il y a donc une coercition qui porte aussi sur le débat de nos budgets nationaux. Nous la refusons. C'est bien gentil de nous dire que le Parlement pourra s'exprimer ; dans les faits, compte tenu du calendrier annoncé, ce sera impossible.

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