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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 2 décembre 2010 à 9h30
Fiscalité juste et efficace — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce matin nous propose de modifier en profondeur la fiscalité applicable aux entreprises et aux ménages, tout en encadrant certaines pratiques et rémunérations en vigueur dans les entreprises.

Comme l'a indiqué Pierre-Alain Muet, nous partageons la plupart des objectifs poursuivis par ce texte, mais nous divergeons parfois sur les moyens de les atteindre.

C'est le cas à l'article 2, par exemple, qui se contente de réviser le barème de l'impôt sur le revenu. Ce dispositif restera d'une portée extrêmement limitée tant que les niches fiscales continueront de miter en profondeur cet impôt.

Nous prônons, au groupe socialiste, un impôt sur le revenu plus clair, plus juste, avec une assiette plus large, sur les revenus du travail et du capital, en ne gardant que celles des exonérations ayant un véritable sens économique ou social, et en appliquant un niveau d'imposition minimal en fonction du revenu. L'impôt français est en effet bien trop peu redistributif mais aussi bien trop peu écologique.

La mise en place d'un « impôt citoyen sur le revenu », résultant de la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, devrait permettre d'avancer dans ce sens.

Il sera aussi nécessaire de revenir sur l'ensemble des niches fiscales et non de se contenter d'un simple coup de rabot aussi timide qu'aveugle, comme le Gouvernement nous l'a proposé dans le projet de loi de finances pour 2011. Car raboter comme nous l'a proposé la majorité, cela revient à ne pas choisir, hiérarchiser, classer les priorités ; on l'applique uniformément, modérément mais sans changer l'équilibre d'ensemble. Or le fond du problème est bien le tentaculaire, obscur et très coûteux système des niches, et l'effort proposé jusqu'ici reste trop faible.

En parallèle, nous aurons bien évidemment besoin d'une réforme fiscale majeure pour rétablir la justice fiscale. Elle doit reposer sur un principe simple : l'impôt doit traiter de la même façon les revenus du capital et du travail.

Aujourd'hui, les revenus du capital échappent très largement à la progressivité de l'impôt, qui est pourtant l'un des éléments essentiels des transferts sociaux, de la réduction des inégalités, de l'abondement des fameux amortisseurs sociaux que le Gouvernement nous vante comme ayant permis d'atténuer le choc de la crise.

La manière brouillonne, frileuse et parcellaire avec laquelle la majorité et l'Élysée sont entrés dans ce débat n'est pas pour nous rassurer.

Reconstruire l'impôt sur le revenu, imposer autrement le patrimoine, redonner son sens à la fiscalité écologique, le chantier est immense mais c'est un préalable à toute grande réforme structurelle. L'explosion de la dette, le creusement des déficits, la montée des inégalités et du chômage, les difficultés croissantes de nos industries, le retard pris dans l'économie verte sont autant de manifestations de l'échec persistant des politiques économiques menées par le pouvoir au cours de la dernière décennie. Ces réformes, loin de moderniser l'économie ou de restaurer le pouvoir d'achat, mettent en péril un système construit sur les principes de justice et de solidarité.

Une reforme fiscale menée à la seule aune – telle qu'elle nous est a été annoncée – d'une supposée compétitivité, qui se traduirait par un dumping fiscal d'où nous sortirions fatalement perdants, ne permettrait aucunement de nous réarmer face aux défis qui attendent la France. L'attractivité et la compétitivité de notre pays se fondent d'abord sur des infrastructures et une main-d'oeuvre de qualité qui supposent des investissements publics importants qu'il faut financer – par l'impôt.

Préserver l'environnement par la fiscalité écologique, favoriser l'innovation et l'investissement et tenir les promesses de notre système de protection sociale, ce sont autant d'objectifs autrement plus pertinents que le dumping fiscal.

Cette reforme fiscale que vous annoncez, monsieur le ministre, devra également donner du sens au consentement à l'impôt. C'est l'un des fondements de la citoyenneté.

Depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le citoyen est défini, en vertu de ses articles 13 et 14, comme celui qui consent à l'impôt et qui évalue la manière dont l'impôt est prélevé et redistribué par la puissance publique. Aujourd'hui, lorsque le Parlement vote les lois de finances, il accorde son consentement, celui du peuple qu'il représente, à l'impôt. Dois-je vous rappeler que les premières critiques émises à l'encontre de l'Ancien Régime ont porté précisément sur la question fiscale, en particulier sur le fait que les sujets ne pouvaient pas manifester leur hostilité ou leur consentement à l'impôt ?

L'impôt constitue un indicateur pour savoir si un système social permet à l'individu d'exister ; il est nécessaire à l'éveil de la conscience politique et établit le lien de citoyenneté. C'est pourquoi nous sommes favorables à un impôt minimal pour tous, mais aussi à un impôt pour les Français résidant à l'étranger. Montesquieu définissait la vertu politique du système républicain comme étant la passion de l'égalité.

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