Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 2 décembre 2010 à 9h30
Fiscalité juste et efficace — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Devinez qui va payer la différence ? Des catégories populaires, un peu, sans doute, et surtout une bonne partie des couches moyennes, pour ne pas dire toutes les couches moyennes.

La cohérence des douze articles de notre proposition de loi est qu'ils mêlent, de façon étroite, la justice fiscale pour nos concitoyens et une autre répartition des richesses favorisant l'investissement dans l'économie réelle, c'est-à-dire l'emploi, la formation, les salaires et la protection sociale.

Ces douze articles nous font sortir de cette spirale infernale qui consiste à faire payer toujours plus les catégories populaires et moyennes afin de permettre des cadeaux fiscaux sans fin pour les plus riches et les plus grosses entreprises. Ceci leur a permis, en dix ans, de faire passer le niveau des dividendes versés aux actionnaires et les intérêts versés aux banques de 25 % de la valeur ajoutée des entreprises à plus de 36 %.

Nous savons où nous a menés ce gavage du monde financier. Des milliards de liquidités dont les détenteurs ne savaient plus quoi inventer pour rentabiliser leur argent ! Il faut simplement avoir le courage, aujourd'hui, de sortir de ce dogme éculé du marché libre, du capital libre, dont on sait, selon la célèbre formule de Marx, qu'il ne s'agit ni plus ni moins que du renard libre dans le poulailler libre, pour faire le choix d'une société pour les êtres humains, non d'une société du fric pour quelques-uns et du fric par le fric. Ce n'est pas un marxiste qui vous le dit c'est le célèbre milliardaire américain Warren Buffett, qui, lui, a des élans de lucidité et de courage, quand il déclare, face à une catastrophe annoncée : « Je crois que les gens comme moi devraient payer plus d'impôts. Notre situation est meilleure qu'elle ne l'a jamais été. » Je répète ses propos : « notre situation est meilleure qu'elle ne l'a jamais été. » Warren Buffett ajoute : « Il n'y a qu'une solution désormais, c'est augmenter fortement les impôts des grandes fortunes. Les Républicains ont tort de croire que la baisse des impôts des plus riches favorise l'économie, » – c'est exactement ce que nous disons sur nos bancs – « ça fait dix ans que nous le faisons et ça nous a menés tout droit à l'échec. »

De ce point de vue, la suppression du bouclier fiscal, à l'article 1er de notre proposition de loi, avec le maintien de l'ISF, constitue la première mesure de salubrité publique que nous proposons.

L'article 2 vise à ce que soit respectée la Déclaration des droits de l'homme sur la nécessité d'une contribution commune également répartie entre les citoyens en raison de leurs facultés. Il y a urgence, tant ont été favorisés les impôts et taxes injustes comme la TVA ou encore la CSG,

Il va sans dire qu'une telle réforme proposée par notre article 2, donnant toute sa place à l'impôt le plus juste, c'est-à-dire une imposition sur l'ensemble des revenus, devrait s'accompagner d'une révision des taux du barème de l'impôt sur le revenu plus favorables aux revenus faibles et moyens et d'un taux marginal porté à 54,8 %.

Les articles 3, 4, 5, 7 et 9 proposent de rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur du travail, de l'emploi, des salaires, de la formation professionnelle, au détriment des dividendes, des intérêts bancaires et des cadeaux fiscaux, dont l'intérêt pour l'investissement productif non seulement n'est pas avéré, mais est même néfaste, comme pour les exonérations de cotisations sociales, dont les trois quarts, nous explique depuis plusieurs années la Cour des comptes, ne servent pas à l'emploi. Il s'agit tout de même de 25 milliards d'euros…

Aussi, nous proposons, par souci d'efficacité économique et de justice, des augmentations d'impôts ciblées sur les contribuables – que ce soit pour l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés ou les cotisations sociales patronales – aux capacités contributives les plus élevées : les grandes entreprises aux articles 3 et 5, les banques à l'article 4, les riches donataires à l'article 7, les agents de salle des marchés à l'article 9.

L'ensemble de ces mesures peut rapporter jusqu'à 50 milliards d'euros, sachant que nous proposons, que ce soit pour les cotisations sociales ou l'impôt sur les sociétés, une modulation favorable aux entreprises qui choisissent de privilégier l'emploi et les salaires, et pénalisante pour les entreprises qui privilégient le versement de dividendes.

L'article 11, en créant un pôle public national du crédit, permettrait d'orienter le crédit par des taux bonifiés vers les entreprises investissant pour l'emploi et le développement.

Enfin, les articles 10 et 12, en demandant des rapports, veulent mettre l'accent sur ce que coûtent à notre pays les techniques d'optimisation fiscale des grands groupes, notamment, et ce que coûte le dumping fiscal.

Dans les deux cas, il s'agit évidemment de dégager les solutions propres à empêcher le détournement d'argent vers la spéculation et les paradis fiscaux, et, dans le second cas, à harmoniser fiscalité et protection sociale dans toute l'Union européenne.

Naturellement l'ensemble de ces ressources nouvelles aurait, entre autres avantages, celui de contribuer à combler l'essentiel des déficits que vous avez creusés.

Comme s'il était encore besoin de justifier ce qui devrait apparaître aujourd'hui comme une évidence, je termine par deux citations, l'une de Pascal Lamy – une fois n'est pas coutume – directeur général de l'OMC : « Depuis quelques années, je m'interroge sur les racines culturelles et anthropologiques du capitalisme de marché, qui est intrinsèquement injuste et stresse toujours plus les ressources humaines et naturelles ». Le seul conseil que je puisse lui donner, puisque sa réflexion est parfaitement juste, c'est qu'il cesse de s'interroger sur cette question, puisque nous avons la réponse !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion