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Intervention de Jean-Paul Gauzès

Réunion du 3 novembre 2010 à 18h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Jean-Paul Gauzès :

La première vague concernait l'enregistrement des agences, les obligations en matière de qualification, de ressources humaines, d'organisation, ainsi que la supervision. Dans un premier temps, celle-ci a été assurée par des collèges ; le texte qui sera voté en commission le 9 novembre et en séance plénière au cours du mois de décembre et qui sera applicable, je l'espère, au début de 2011, organise la supervision européenne de l'ESMA, mais guère plus.

Ce qui viendra au premier semestre est plus compliqué. Un premier débat concernera le schéma de financement des agences de notation. Aujourd'hui, c'est le client noté qui paie l'agence. Il y a donc, selon certains, conflit d'intérêts, comme pour un professeur payé par un élève – ce qui existe avec les leçons particulières, mais les professeurs ayant une éthique se refusent à en donner aux élèves qui sont dans leur classe. Cela étant, quel autre système retenir, dès lors que les agences exercent une activité commerciale, qu'il faut bien rémunérer ?

Le deuxième sujet concerne la fameuse agence européenne de notation. La conçoit-on comme une société dont les actionnaires seraient européens et qui serait plus « gentille » à l'égard des Européens ? En 2009, Mme Pervenche Berès avait proposé que les Cours des comptes assurent la notation des dettes souveraines ; le problème est qu'il n'existe pas de Cour des comptes dans tous les États membres et que celles qui existent ne sont pas toujours aussi indépendantes qu'en France : que vaudraient des notes données par des fonctionnaires dépendant de l'État qu'ils notent ? Mon collègue Wolf Klinz parle, lui, d'une fondation indépendante.

Pour ma part, je partage l'avis de Jean-Pierre Jouyet : il faut se désintoxiquer des agences de notation. Les agences, en particulier les trois grandes, affirment qu'elles ne donnent qu'une opinion et qu'il appartient à l'investisseur de se forger son avis. Ce n'est pas inexact, à ceci près que cette opinion coûte très cher, que les agences ont accès à des informations privilégiées et que la note est prise en compte, dans la réglementation bancaire, pour la détermination des fonds propres : suivant que le produit acheté par une banque est bien ou mal noté, on ne lui fera pas correspondre le même montant de fonds propres. Bref, tant que les notes seront intégrées dans la réglementation bancaire, l'intoxication se poursuivra.

Par ailleurs, les agences ont une légitimité à noter la dette des États, dès lors que cette dette est financée par des investisseurs – qui ont besoin d'indications. Pour autant, elles ne peuvent pas faire n'importe quoi et appliquer les mêmes schémas que pour les entreprises : une collectivité publique en difficulté se redresse beaucoup plus vite. Pour avoir été le rédacteur du protocole qui a suivi l'affaire d'Angoulême, je sais que les finances de la ville se sont rétablies rapidement, grâce à une bonne équipe municipale.

Les conditions de publication des notes posent un autre problème. Depuis dix ans, tout le monde savait que la Grèce avait des dettes et que son système fiscal était une passoire ; C'est bien pourquoi les Allemands ne voulaient pas qu'elle entre dans l'euro, au même titre que les autres pays « producteurs d'olives ». Ainsi s'explique la réaction de Mme Angela Merkel : « On vous l'avait bien dit ! » C'est la réaction de parents qui voient leur enfant tomber de l'arbre où il a grimpé, à ceci près que les parents se précipitent au secours de l'enfant et qu'il a fallu à Mme Angela Merkel une quinzaine de jours pour en arriver là, ce qui s'est révélé un peu coûteux.

Je ne crois pas que l'on puisse annoncer une demi-heure avant la clôture des marchés que l'on dégrade telle ou telle note. À mon avis, l'autorité de régulation des agences de notation devrait avoir son mot à dire sur les conditions de publication d'une note, dès lors que celle-ci pourrait perturber la vision que l'on a de la situation financière d'un État – de même que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a le pouvoir, dont il use très rarement, d'empêcher la diffusion d'une émission pouvant avoir des conséquences graves dans l'opinion. Bien sûr, il faut avancer avec prudence pour ne pas verser dans la censure. Le principe reste que la notation de la dette des États est légitime, mais elle ne doit pas être diffusée dans n'importe quelles conditions et à n'importe quel moment – d'autant que les dettes des États se constituent sur une longue période.

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