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Intervention de Jean-Paul Gauzès

Réunion du 3 novembre 2010 à 18h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Jean-Paul Gauzès :

Il n'y a pas plus de moyens au niveau européen qu'au niveau national. Même avec la mise en place des trois agences, ce sont les autorités nationales qui assureront le travail opérationnel. Mais vous posez la vraie question : que faire face à des innovations technologiques qui font que la finance échappe progressivement à la maîtrise humaine ? Toutes les salles de marchés ont à peu près les mêmes logiciels. Là où, naguère, les mouvements s'atténuaient parce que telle banque adoptait une stratégie différente de celle de telle autre, aujourd'hui tous les établissements suivent le même mouvement. On a pris des mesures pour limiter la prise de risque par les opérateurs, en France mais aussi au niveau européen avec la directive sur les fonds propres réglementaires (CRD 3). Je pense cependant qu'il arrive un moment où il faut rétablir le pouvoir de l'homme sur les machines, auxquelles on ne peut laisser tout faire.

Certains demanderont si l'on a le droit d'empêcher l'innovation. Mais quand elle aboutit à des catastrophes, pourquoi la laisser se développer ? Maire d'une commune rurale, je plaide pour le bon sens… À cet égard, la Société générale, qui a le malheur de voir son nom spontanément associé à l'affaire Kerviel, est par ailleurs, il faut le souligner, l'une des rares banques à ne pas être tombée dans le piège Madoff, parce qu'elle avait fait les bonnes analyses. Après avoir été avocat, j'ai été pendant dix ans au comité de direction d'une banque : pour avoir vu fonctionner le système, je sais que certaines choses font un peu peur. Il faut rétablir un contrôle humain sur la machine. Qu'apporte à l'économie réelle le fait que des opérations se réalisent à la nanoseconde, alors que pour constituer un dossier de crédit, il faut plusieurs mois, et pour monter un atelier relais, un an de démarches administratives et un an de construction ?

N'appréciant pas beaucoup le droit anglo-saxon, je pense qu'il faut revenir à de saines notions de droit latin. Les financiers sont beaucoup plus créatifs que les juristes. Il faut donc donner aux autorités régulatrices des bases juridiques et des pouvoirs assez larges pour qu'elles puissent s'adapter aux variations de comportement des acteurs financiers. En matière pénale, l'infraction doit être précisément définie pour que la punition soit possible ; ce système rigide ne convient pas en matière financière. Il faut faire confiance au régulateur et lui donner compétence pour prendre des décisions chaque fois qu'il estime qu'il y a des dérapages inacceptables. Cette conception, j'en conviens, n'est pas très libérale...

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