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Intervention de Jean-Paul Gauzès

Réunion du 3 novembre 2010 à 18h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Jean-Paul Gauzès :

C'est un sujet fondamental.

Si, avant la crise des subprimes, des dispositifs avaient contraint les agences de notation à évaluer de façon plus correcte les produits sophistiqués, si la réglementation avait assuré une meilleure transparence des opérations et obligé les investisseurs à faire des due diligences – comme il est prévu dans la directive – pour savoir ce qu'ils achetaient, dans quel but et comment, les risques auraient été réduits.

Pour autant, il ne faut pas faire preuve de naïveté. L'Europe doit se garder d'essayer de faire « plus blanc que blanc » sans tenir compte de ce qui se passe ailleurs. Vous évoquez Bâle III, mais aux États-Unis les accords de Bâle II ne sont pas appliqués. Quant à la réglementation de 3 000 pages qui a été mise en place en juin, elle est quelque peu en trompe-l'oeil puisqu'elle nécessite l'intervention des régulateurs de chaque État fédéré, ceux-là mêmes dont le mauvais fonctionnement a engendré les problèmes que l'on sait. Les Américains disposent aujourd'hui d'une base juridique pour affirmer qu'ils n'ont pas le droit d'appliquer des éléments externes tels que Bâle III. C'est pourquoi j'estime que l'Europe ne doit prendre dans Bâle III que ce qui est intrinsèquement utile au bon fonctionnement de son industrie financière.

Il y a une grande distance, dans les dispositions américaines, entre l'absence de protectionnisme affirmée et la réalité à laquelle on se heurte pour pénétrer le marché. J'ai participé, dans une vie antérieure, à l'acquisition par une banque française d'une compagnie d'assurances aux États-Unis : il a fallu demander une autorisation dans chaque État fédéré et l'opération a pris deux ans. Le système de protection est organisé de telle sorte que l'on a toujours de bonnes raisons de vous renvoyer à l'application de la réglementation.

Je le répète, il serait raisonnable de retenir, en matière de réglementation, tout ce qui permettra à l'industrie financière de mieux fonctionner en créant moins de risque, sans essayer de montrer que nous faisons tout mieux que les autres. C'est là que se situe, en partie, le débat européen.

Pour ce qui est des fonds alternatifs, non, tous les États n'avancent pas au même pas. Au Parlement, l'accord s'est fait très vite : mon rapport a été adopté en mai à une large majorité. C'est entre les États membres qu'il y a des divergences. On connaît l'opposition entre la France et la Grande-Bretagne, mais certains pays se cachent derrière l'une ou l'autre – ils ne disent pas ce qu'ils pensent, mais ils n'en pensent pas moins. Les Britanniques voulaient préserver la place financière de Londres et les opérateurs britanniques souhaitaient pouvoir continuer à fonctionner avec les îles Caïmans. Quant aux Français, ils ont dans un premier temps défendu l'idée d'une réglementation nationale ; puis, il y a quatre ou cinq semaines, la France s'est prononcée pour le passeport européen, mais à condition que l'ESMA ait une réelle autorité et qu'il ne soit pas possible à chaque État de délivrer ce passeport à sa façon. Ce revirement, que je conseillais depuis plusieurs mois, est à mes yeux un peu tardif ; arrivant en fin de parcours, il ne nous a pas permis de bénéficier de tous les avantages que nous aurions pu en tirer. Le bilan est néanmoins positif. Le pire aurait été que l'un des deux pays se retrouve isolé et que la position soit prise à la majorité qualifiée.

Le lobbying des gestionnaires de fonds a été très intense. J'ai eu exactement 198 entretiens avec des lobbyistes, toujours dans le même sens, à ceci près qu'au départ ils ne voulaient pas de directive et qu'ils se sont montrés par la suite un peu plus coopérants pour apporter des informations utiles. Les plus déloyaux se sont employés à faire courir des rumeurs selon lesquelle l'économie ne trouverait plus de financements si l'on régulait un tant soit peu les fonds de capital investissement.

Bien entendu, il serait préférable que les choses se passent au niveau du G20, mais il ne suffit pas de donner une feuille de route, il faut la mettre en oeuvre.

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