En introduction, je tiens à saluer votre décision d'enquêter sur ce thème riche et complexe. Les conséquences des comportements spéculatifs peuvent être particulièrement néfastes au fonctionnement des marchés et aux économies. Il importe donc de les identifier, de les prévenir et, le cas échéant, de les sanctionner.
Une première difficulté réside dans l'absence de définition réglementaire de la spéculation. S'agissant du concept lui-même, je souscris à l'analyse qu'en a faite le président de l'Autorité des marchés financiers, Jean-Pierre Jouyet : « Sans spéculateurs, il n'y aurait pas de marché, (…) la spéculation est consubstantielle aux marchés ». De même, M. Michel Aglietta a souligné qu'« en temps normal, la spéculation joue un rôle équilibrant puisque des acteurs financiers mieux informés que d'autres, découvrant que les prix de certains produits ne correspondent pas à leur valeur réelle, jouent le retour des prix à cette valeur ». D'ailleurs, lorsque les prix de marché sont déconnectés des fondamentaux économiques, en période d'exubérance irrationnelle des marchés, d'apparition de bulles ou de baisse vertigineuse des prix, on souhaiterait que des acteurs interviennent à rebours des autres, pour les ramener à la raison. Or ces acteurs, ce sont précisément des spéculateurs. Vous avez vous-même insisté, monsieur le président, sur le caractère ambigu de la spéculation et sur son rôle, tantôt néfaste, tantôt positif, vous demandant comment repérer ses excès et endiguer ses effets néfastes.
Les agissements frauduleux sont les premiers comportements à combattre, et ils sont passibles de poursuites et de sanctions. En ce qui concerne l'intégrité des marchés réglementés, la prévention et la sanction de telles pratiques relèvent de la responsabilité des autorités de contrôle des marchés, l'AMF en France. L'Autorité de contrôle prudentiel apporte son soutien, notamment en menant des enquêtes sur place, en veillant en permanence à la robustesse des dispositifs de contrôle de conformité et de contrôle interne. Les exigences réglementaires en la matière ont encore été durcies depuis la crise.
Une deuxième catégorie de comportements consiste à mener des opérations qui, bien que conformes à la réglementation, peuvent avoir des effets déstabilisants sur le système financier, parce qu'elles sont réalisées soit par des acteurs de très grande taille, soit simultanément par un grand nombre d'acteurs qui agissent tous dans le même sens, de façon moutonnière. La spéculation n'étant pas définie au plan réglementaire, il est difficile de discerner, parmi les opérations de marché, celles qui relèvent d'une logique spéculative etou celles qui ont des effets néfastes.