Monsieur le ministre, nous entamons l'examen en deuxième lecture de ce projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité. Après son examen par le Sénat, le texte conserve les mêmes bases, et nous avons pu noter en commission des affaires économiques votre volonté d'aller vite maintenant et d'obtenir un vote conforme. Cela permettrait une application rapide de la loi, dès le début de l'année 2011, sous réserve de la publication des décrets d'application.
Nous regrettons de ne pas avoir la possibilité, à tout le moins, d'amender significativement un texte qui risque, dans une certaine confusion, d'entraîner des effets dévastateurs pour nombre de nos concitoyens, à commencer, une fois encore, par les plus fragiles, et aussi d'avoir des conséquences très négatives pour l'ensemble de notre tissu économique.
Lors de la première lecture, il y a quelques mois, je me suis permis de souligner le fort décalage qui existe entre le moment où les directives européennes ont été prises, fortement inspirées par une conception très libérale d'ouverture à une concurrence totalement débridée, de nature, nous disait-on, à faire baisser les prix, et la situation actuelle, marquée par la crise économique et financière, qui appelle plutôt une nécessaire régulation dans de nombreux domaines, dont celui de l'énergie.
Par ailleurs, au plan européen, il aurait mieux valu, à mon sens, se battre au cours des dernières années pour faire adopter la directive cadre sur les services d'intérêt général, demandée et obtenue par la France à Barcelone en 2002. Elle aurait sans doute permis de préserver les avantages de notre mix énergétique et l'ensemble de ses acquis, dont bénéficient nos concitoyens et nos entreprises.
Comment, en effet, allons-nous leur expliquer que l'ouverture à la concurrence en matière d'électricité risque de conduire inéluctablement à une augmentation très sensible des prix, alors qu'initialement elle était censée en favoriser la baisse ?
De plus, la nouvelle organisation que ce projet de loi va mettre en oeuvre et qui va obliger l'opérateur historique à céder un quart de sa production nucléaire aux fournisseurs alternatifs, lesquels sont aussi ses propres concurrents, s'appuie sur un ensemble d'éléments et de structures particulièrement obscurs dans leur fonctionnement et leur relation. Il est donc impossible d'en connaître à terme les véritables conséquences et répercussions, sans compter l'insécurité juridique qui, malgré tout, persiste au sein d'une telle organisation, compte tenu de sa complexité.
En outre, certains effets négatifs ont déjà pu être constatés, La situation difficile est maintenant connue de POWEO qui, compte tenu de ses problèmes financiers, envisage – si ce n'est déjà fait – de se retirer de la fourniture d'électricité sans que l'on puisse mesurer, pour les clients concernés, les conséquences réelles. Cet exemple préfigure sans doute d'autres événements qu'il faudra alors gérer et qui risquent d'être négatifs pour les personnes et les entreprises concernées. Alors, oui, ce texte de loi apporte plus d'inquiétudes que de certitudes.
Pourtant la production, la gestion et la maîtrise de l'énergie constituent déjà et constitueront, dans les prochaines années, des enjeux fondamentaux de notre développement. Ces enjeux touchent à la fois à l'aménagement du territoire - avec la prise en compte de la gestion, de la maintenance et du fonctionnement des réseaux - à la production des énergies renouvelables et surtout aux nécessaires économies d'énergie.
La France, avec son organisation initiale, construite au fils des ans, disposait et dispose encore de nombreux atouts en termes d'énergie électrique. Je crains que nous ne soyons en train de les perdre en grande partie, et cela risque de provoquer, à terme, une grande instabilité. Au-delà du texte de la loi NOME, je pense que le temps est venu de clarifier plus globalement la politique énergétique de notre pays dans un environnement européen qu'il faudra rendre plus stable et plus cohérent, en y intégrant dès que possible la nécessité de régulation.
L'audition récente, par les commissions des affaires économiques et du développement durable, des acteurs de la filière du photovoltaïque a fait apparaître une certaine confusion, mais aussi beaucoup d'interrogations sur les éléments chiffrés qui peuvent être fournis par les uns et par les autres.
Quels que soient les effets et les conséquences, à court et moyen terme, de cette loi NOME, il reste urgent de clarifier ne serait-ce que la situation actuelle, afin de définir plus clairement les différents éléments d'une politique énergétique ambitieuse pour notre pays. Elle doit s'appuyer sur les atouts développés et maintenant acquis, à condition toutefois de ne pas les perdre ou de ne pas les dilapider.
Cette politique énergétique doit intégrer tous les enjeux importants qui concernent la vie de nos concitoyens et les inévitables impacts sur le développement et la vie de nos entreprises.
Il n'est peut-être pas encore trop tard pour agir efficacement. Il reste à en afficher la volonté, mais tel n'est pas le cas avec la loi NOME. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)