Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, le ministre et le rapporteur nous ont longuement expliqué que ce texte avait un seul et unique objet : la nouvelle organisation du marché de l'électricité avec, comme mesure phare, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, l'ARENH.
On nous a expliqué avec insistance que l'objet du texte étant limité, il n'était pas question de s'éloigner de la feuille de route. Dès lors, tous nos amendements tendant à élargir le champ ont été, pour ce motif, repoussés.
Nos collègues sénateurs ont eu plus de chance que nous puisque, lors de la première lecture, ils ont pu faire adopter un certain nombre d'amendements sur des sujets qu'il nous avait été refusé d'aborder.
D'où, il faut l'avouer, monsieur le ministre, une certaine frustration et, en même temps, l'espoir d'être mieux entendus lors de cette seconde lecture. Je ne me fais, cependant, guère d'illusion puisque la volonté affichée par le rapporteur et le Gouvernement est d'obtenir un vote conforme à l'Assemblée nationale.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, nous avons déposé un certain nombre d'amendements qui, je l'espère, vous interpelleront.
La problématique à laquelle entend répondre le texte n'est pas simple : il s'agit d'ouvrir à la concurrence un marché marqué, en France, non seulement par la présence d'un opérateur historique, EDF, en situation de quasi-monopole pour la production d'électricité, mais aussi par le choix de l'énergie nucléaire.
Au-delà de la complexité d'une libéralisation du marché de l'électricité dans un tel contexte, c'est aussi notre pacte républicain qui est en cause.
N'oublions pas que le Préambule de la Constitution de 1946, composante du bloc de constitutionnalité, affirme que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
À l'évidence, l'électricité d'origine nucléaire ne peut pas s'adapter aux pratiques habituelles du marché, pour plusieurs raisons : à cause, premièrement de son importance stratégique et de l'impératif de sécurité lié à sa gestion et à son traitement, deuxièmement de son caractère de produit de première nécessité, troisièmement de l'obligation d'établir un maillage suffisant de réseaux de qualité.
L'enjeu de ce projet de loi NOME n'est pas seulement technique, comme on a voulu nous le faire croire en commission ; il est également politique. Il est donc indispensable, dans une réflexion sur l'énergie, de penser le système énergétique dans sa globalité : technique, politique, économique, sociale, juridique.
Nos concitoyens sont de plus en plus inquiets quant à l'avenir tarifaire de l'énergie, à cause de la part importante qu'occupe l'énergie dans leur budget, de la complexité du système, du nombre des fournisseurs, du manque de transparence et de simplicité dans la fixation des tarifs, de l'augmentation croissante des contentieux sur la facturation. Ils ont bien conscience qu'avec ce texte, une étape importante de l'histoire de l'électricité va être franchie et qu'ils risquent, une fois de plus, d'être pris en otages, avec une incidence directe sur l'augmentation des tarifs.
Tout le monde s'accorde à le reconnaître : le sujet essentiel de la loi NOME est bien la fixation et même l'augmentation des tarifs. Le texte est totalement muet à ce sujet ; on ignore aujourd'hui sur quelles bases, après quelles études d'impact, ils seront fixés. Ce que l'on sait, c'est que le coût actuel de l'électricité de base d'origine nucléaire s'élève à 30,90 euros par mégawattheure.
Nous savons également que le coût de l'accès régulé à l'électricité de base ne sera pas de 30,90 euros, contrairement à ce que le Gouvernement a répété à plusieurs reprises, notamment devant la commission des affaires économiques. Comment, en effet, concilier ses propos avec ceux de M. de Ladoucette, président de la CRE, qui, graphiques à l'appui, a bel et bien démontré en commission l'augmentation des tarifs ? Ainsi, pour les clients résidentiels, les projections révèlent un coût de cession de 37, 20 euros par mégawattheure, ce qui impliquerait une majoration de 7,1 % des tarifs réglementés en 2011, puis de 3,1 % par an entre 2011 et 2025. Au prix de 42 euros, réclamé par EDF, les hausses de tarifs seraient de 11,4 % en 2011, puis de 3,5 % par an entre 2011 et 2025. Ce n'est pas le groupe socialiste qui a fait ces projections, mais le président de la Commission de régulation de l'énergie.
D'ailleurs, la mécanique infernale a déjà été enclenchée par anticipation puisque, le 15 août, au beau milieu de l'été, les factures d'EDF ont poursuivi leur ascension : 3 % pour les particuliers, 4 % pour les artisans et les professions libérales, 4,5 % pour les PME, 5,5 % pour les grandes entreprises. Une nouvelle hausse de 3 % est prévue pour janvier 2011. L'escalade insupportable pour les ménages continue, elle devient insoutenable et accentue la précarité énergétique de nos concitoyens.
Certes, les tarifs réglementés seront maintenus pour les ménages mais, à terme, d'augmentation en augmentation, ils se rapprocheront des prix du marché et finiront donc par disparaître. N'est-ce pas, en fait, l'objectif visé ?
Pour faire passer la pilule, on nous expliquera une fois de plus que nous avons les tarifs les moins chers du monde, ce qui est faux puisque, pour l'électricité domestique, nous sommes derrière la Bulgarie, l'Estonie, la Grèce, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Croatie et la Turquie.