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Intervention de François Brottes

Réunion du 23 novembre 2010 à 21h30
Marché de l'électricité — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes :

J'attire votre attention sur un point réglementaire. Votre collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, que nous questionnions lors de son entrée en fonction, la semaine dernière, a indiqué qu'elle aurait la main sur l'approbation des tarifs des énergies renouvelables. Or, dans les textes existants, c'est le ministre chargé de l'énergie qui en est responsable, en aucun cas un autre. Soit ce qu'elle a dit est faux et c'est ennuyeux de démarrer une fonction ministérielle par un mensonge, soit c'est vrai et il faut vite changer la loi. Le problème est sérieux et doit être réglé.

Avec l'accélération du calendrier, nous assistons à une mascarade. Le président de la commission, à l'époque, était très fier de nous dire que l'urgence ne serait pas déclarée sur ce texte, que nous aurions deux lectures pour débattre vraiment et faire un travail parlementaire de qualité. Or, quand arrive la deuxième lecture, on nous dit : « Circulez, il n'y a rien à voir ! On est pressés, il faut voter conforme. » Autrement dit, c'est l'urgence. C'est même pire puisque, avec la plus grande hypocrisie, on se fiche des parlementaires en leur faisant croire qu'ils pourront faire un travail de fond. Même s'il devient courant d'avoir des deuxièmes lectures pour rien, c'est tout à fait insupportable et on ne s'y habitue pas. J'ose espérer que ces pratiques cesseront un jour, sinon autant supprimer carrément le Parlement.

Monsieur le ministre, a priori ce n'est pas vous qui répondrez à cette motion de procédure puisqu'il s'agit de décider le renvoi en commission. Vous aurez certainement l'élégance de considérer que c'est plutôt à celui qui assure l'intérim de la présidence de la commission de le faire, mais je vais tout de même vous solliciter sur des questions précises.

La première porte sur le changement de pied de la politique européenne. M. Proriol, qui suit ces questions, a vraisemblablement raté l'étape récente. Le nouveau commissaire européen à l'énergie, qui est Allemand, qui connaît bien ces sujets – je n'ai pas dit « à l'inverse de son prédécesseur », même si je le pense –, vient de faire un certain nombre de constats :

Il considère que la manière dont la libéralisation a été organisée en Europe ne fonctionne pas : les prix augmentent et peu d'opérateurs sont en concurrence.

Il pense qu'il serait bon de conserver sous monopole les réseaux de transport de l'énergie. Dans son pays, avec quatre gestionnaires de réseaux, c'est le bazar, dit-il. D'ailleurs, il y a eu une panne énorme à cause de cela en Allemagne. En France, notre dispositif marche encore plutôt bien. Il y a déjà quelque temps, nous avons proposé de mettre en place un grand réseau européen qui soit un monopole public pour le transport de l'énergie, à la fois de l'électricité et du gaz. C'est en effet une des seules manières que les États auront de conserver la main sur un bien vital complètement stratégique. La pensée européenne du commissaire est donc en train d'évoluer dans un sens qui nous intéresse.

Il dit autre chose d'extrêmement important s'agissant des économies d'énergie : si on continue à ne rien faire, au lieu des 20 % prévus, on atteindra seulement 9 %.

Sur ces questions, il est important que vous nous disiez, monsieur le ministre, comment la France s'inscrit dans la nouvelle attitude européenne concernant le secteur de l'énergie.

À propos des réseaux, j'espère que vous nous direz ce que vous pensez de l'hypothèse de M. Mestrallet de vendre une partie de GRTgaz, qui, je le rappelle, en un temps où vous exerciez d'autres responsabilités, monsieur le ministre, a été offerte pour un euro symbolique à Gaz de France, encore entreprise publique. M. Mestrallet serait prêt à ouvrir le capital du réseau de transport de gaz à on ne sait qui – encore que j'aie bien noté que Gazprom commençait à nous installer des compteurs intelligents. Comme je l'ai dit lors de questions au Gouvernement, il ne faudrait pas prendre les Français pour des imbéciles sous prétexte de leur installer des compteurs intelligents. Ce qui est inquiétant ici, c'est que GDF Suez, de mon point de vue, est opéable ; si le réseau de transport de gaz part vers ceux qui nous fournissent le gaz, demain, nous serons en bien mauvaise position en matière de prix et d'indépendance énergétique. Nous aurons beau avoir des tarifs réglementés, ils ne garantiront en rien contre une augmentation exponentielle des prix, car ce qui fait la sécurité du tarif, ce n'est pas qu'il est réglementé, c'est qu'il est accessible et pas cher pour les consommateurs.

Monsieur le ministre, j'aimerais donc connaître l'avis du Gouvernement sur l'ouverture du capital du réseau de gaz et du réseau de transport d'électricité.

J'en viens au nucléaire, sujet cher à M. Cochet notamment. Le fait que l'activité nucléaire soit publique en France entraîne son acceptabilité par les citoyens. Si, demain, elle devait être gérée par des opérateurs privés, alors la défiance serait au rendez-vous dans la population, mettant à mal des années et des années d'investissements. Une grande majorité de Français ne se sont pas encore rendu compte qu'EDF avait été privatisée et croient qu'EDF-GDF existe encore, ce qui montre bien que cette confiance est complètement liée au fait qu'il s'agissait d'une entreprise publique. Ne vous en déplaise, la création d'EDF-GDF par le Conseil national de la Résistance est une des belles choses qui nous ont été transmises (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), comme la sécurité sociale ou la retraite par répartition, tous choses qui, avec le service public tout entier, constituent le pacte social de notre pays, indispensable pour l'ensemble de nos populations et de nos territoires.

Monsieur le ministre, quel sort envisagez-vous pour la filière nucléaire si toutefois elle devait être privatisée, en tout cas dans sa gestion ?

Par ailleurs, où en est l'appel d'offres pour l'éolien offshore ? M. Borloo nous avait dit que c'était imminent. Mais, depuis, certaines éminences nous ont quittés (Sourires). Cela dit, il va bien falloir préciser l'échéancier.

S'agissant de la file d'attente des installations photovoltaïques, nous avons eu un débat très intéressant. À cet égard, je remercie l'ancien président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, qui était à l'origine de cette rencontre. Nous avons pu avoir des échanges, les yeux dans les yeux, avec les opérateurs qui vendent de l'énergie photovoltaïque, ceux qui en profitent, ceux qui en profitent un peu moins mais qui voudraient en profiter au moins autant que les autres, et ceux qui nous disent que cela va coûter des milliards et des milliards à la CSPE, qui est adossée au tarif de l'énergie. Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre point de vue sur cette file d'attente des installations photovoltaïque qui est contestée puisqu'on nous a expliqué qu'elle était plus importante qu'elle ne l'est en réalité.

Par ailleurs, je souhaiterais connaître votre avis sur l'avenir de la contribution climat-énergie dont on ne parle plus alors qu'elle faisait partie des grands engagements du Grenelle. Certes, comme le Grenelle est mort et enterré, on peut comprendre qu'il n'y ait pas de réponse à ces questions, mais je vous pose néanmoins celle-ci.

Autre problème, le prix de l'ARENH. On délibère ici sur une règle du jeu. Mais ce qui importe, c'est de savoir quel sera le prix de l'énergie nucléaire. Jean Proriol prétend qu'il n'augmentera pas. Or il augmentera de 10 % au moins. Mais de combien ? De 42 centimes, de 38 centimes ? Monsieur le ministre, donnez-nous des indications avant l'adoption de ce texte, sinon nous ne sommes vraiment là que pour faire de la littérature ; vous me direz : cela ne changera pas beaucoup.

J'avais cru comprendre que M. Champsaur, libéral sérieux et remarquable que j'ai bien connu, devait être missionné pour réfléchir à ce prix. Mais quand j'ai interrogé M. Apparu à ce sujet, il a semblé évident qu'on n'avait rien demandé à M. Champsaur, contrairement à ce qu'affirmait la presse. On peut donc se demander qui réfléchit à quoi sur une question lourde de sens.

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