Le rapport du Parlement européen exprime d'abord une inquiétude face aux orientations de la Commission européenne. Celle-ci, qui a fait un travail intelligent sur la base du rapport de M. Jacques de Larosière consacré au paquet supervision, a franchi une étape, même s'il ne s'agit pas encore d'interdire la vente à découvert. Je tiens à vous alerter sur un point : alors que la Banque centrale européenne s'est vu donner les moyens d'être quasiment la première banque centrale du monde – de fait, elle était la seule à intervenir le 9 août 2007 –, la mise en place d'autorités qui n'auraient pas les moyens requis en termes d'expertise et de personnel peut conduire à un grave déséquilibre et à de grandes désillusions. Gardons-nous de créer une usine à gaz inefficace.
Pour l'heure, et sous réserve d'examen de la capacité des États membres à se mobiliser pour rendre ces autorités opérationnelles, le paquet supervision a été bien mené, avec une perspective d'ensemble. Cependant, bien des mesures préconisées par le rapport Larosière ne sont pas encore mises en oeuvre, notamment en matière d'anticipation des crises et de sanctions. En effet, faute d'harmonisation des sanctions, les opérateurs de marché définissent leurs stratégies de localisation en fonction des sanctions applicables. Après l'adoption du paquet supervision, nous sommes aujourd'hui engagés dans un paquet régulation pour lequel le commissaire égrène un catalogue de propositions définies en vue du seul objectif de stabilité des marchés financiers. La question de savoir comment ces régulations permettront le financement de l'économie et comment en optimiser les effets n'est jamais posée.
J'en viens aux deux points qui vous intéresseront sans doute particulièrement à l'échelle européenne : l'avenir de la directive relative aux marchés financiers – la MIF – et les chambres de compensation.
La MIF repose sur un pari consistant à ouvrir les bourses à la concurrence, notamment à celle des brokers, en échange de la transparence sur les prix. En réalité, cette transparence ne s'est pas faite et les « dark pools », qui sont des mécanismes d'internalisation, se soustraient à toute visibilité pour développer des stratégies potentiellement spéculatives.
L'autre aspect, plus criant durant la crise, en particulier lors de la chute de Lehman Brothers, est l'apparition d'un produit « miracle » inconnu cinq ans plus tôt : les « credit default swaps », ou CDS. Ces produits, qui ne faisaient l'objet d'aucune surveillance, échappaient à la règle de la transparence, qui est à la base du fonctionnement sain d'une économie de marché. Les CDS recouvrent une concurrence transatlantique considérable. De fait, ces segments de marché peuvent fragiliser certains de nos opérateurs et appeler, en dernier ressort, une intervention de la banque centrale ou les autorités publiques nationales pour aider les éventuelles victimes des CDS. La cohérence d'une chambre de compensation est absolument cruciale. Cependant, les grands artisans de la titrisation excessive sont toujours en très bonne santé et s'emploient à éviter une telle avancée.