Nous vous présentons cette proposition de loi pour que le sujet soit traité maintenant et parce que les médecins nous ont demandé de pousser les feux. Nous avons reçu tous les acteurs concernés dont, évidemment, la Fédération française du langage des signes, qui n'a pas manifesté d'opposition à la proposition de loi, ayant compris que ce qui nous intéresse est d'organiser le repérage des troubles de l'audition dans les trois jours qui suivent la naissance – trois jours étant la durée moyenne des séjours à la maternité.
Pour éviter les nourrissons « perdus de vue », nous voulons que les parents soient alertés avant de quitter la maternité. Si le dépistage n'est pas généralisé à ce jour, c'est que toutes les cliniques ne sont pas équipées à cette fin. Des statistiques empiriques que nous avons faites, en interrogeant nos jeunes collaboratrices devenues mères au cours des deux ou trois ans écoulés, il ressort qu'un nouveau-né sur deux est soumis à un dépistage sérieux des troubles de l'audition par oto-émissions acoustiques automatisées ou, de manière plus fiable, par potentiels évoqués auditifs automatisés. Si le repérage conduit à un diagnostic positif, la famille sera dirigée vers un centre de dépistage et d'orientation de la surdité. Il en existe déjà sept, créés dans le cadre des expérimentations évoquées. Mais, l'année dernière, sur 800 000 naissances, seuls 192 430 bébés ont été soumis à des tests de dépistage des troubles de l'audition.
Nous sommes obligés d'en passer par une loi pour avoir des arguments à opposer à ceux qui sont contre le dépistage néonatal systématique. Avec 25 % seulement des nourrissons dépistés, la France accuse un très important et peu glorieux retard : au Danemark, le taux de dépistage est de 98 % et il est de 80 % en Bulgarie. Dans notre pays, trois quarts des nouveau-nés ne sont pas soumis à ces tests ; cette inégalité pourrait entraîner des plaintes contre l'État, qui pourrait se trouver attaqué pour n'avoir pas installé les moyens de repérage nécessaires. Les médecins généralistes ne peuvent procéder à ces tests techniques, pour lesquels même les oto-rhino-laryngologistes se disent insuffisamment équipés. Voilà pourquoi nous proposons que le repérage se fasse avant la sortie de la maternité. Mais, une fois les parents alertés, il ne revient pas au législateur de dicter sa conduite au pédiatre. Je le redis, en France, à ce jour, le repérage concerne 25 % des nourrissons ; pourquoi pas les autres ? Qu'attend-on ?
C'est ce qui nous a conduits à pousser les feux en choisissant la voie législative. Ainsi s'explique cette proposition de loi, qui vise à donner à tous les parents, dans un délai de deux ans, la possibilité d'un choix éclairé et d'un suivi. Nous avons été très émus par les témoignages entendus, dont nous avons retenu que, trop souvent, faire appareiller un enfant sourd relève du parcours du combattant. Un suivi de proximité est donc nécessaire.
Certains s'insurgent, considérant que nous nous mêlons d'un sujet qui ne nous concerne pas. Mais les chiffres sont ceux que je vous ai dits, et il est de notre rôle de législateur d'intervenir sans attendre.
Enfin, l'amendement AS 10 vise à éviter que la proposition de loi ne tombe sous le coup de l'article 40 de la Constitution. Lors de l'examen du texte en séance publique, nous obtiendrons évidemment du Gouvernement qu'il présente des amendements permettant de revenir au texte initial, et qu'il lève le gage.