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Intervention de Jean-Luc Hees

Réunion du 17 novembre 2010 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Luc Hees, président de Radio France :

Ne mélangeons pas les choses : il y a, d'une part, les questions de principe, sur lesquelles je laisse à chacun le soin d'apprécier mon honnêteté, et, d'autre part, le problème particulier de Stéphane Guillon – si tant est que ce soit un problème. Il se trouve que, dirigeant une entreprise de 4 500 personnes – dont la grande majorité me respecte en raison de mon passé professionnel et, peut-être, de mon attitude personnelle –, je dois faire acte de gouvernance de temps en temps. Or, quand le PDG d'une antenne nationale est insulté trois fois en direct, il est légitimement amené à se poser des questions. En général, j'ai du mal à me séparer des gens, mais j'y suis parfois obligé. Sur une antenne publique, l'insulte et l'imprécation ne peuvent tenir lieu de comique et d'humour ! Quoi qu'il en soit, je ne regrette pas d'avoir pris cette décision, bien qu'elle me coûte sur le plan personnel, puisque l'on attente à ma réputation.

J'ai la charge d'une maison que je connais bien. Ce que je peux lire sur son prétendu malaise ne coïncide pas avec ce que j'en sais. Radio France va bien. Nous menons des négociations délicates sur le nouveau contrat collectif, dans un climat social général difficile, mais les choses avancent.

Quant aux rédactions, elles bénéficient d'une totale liberté, et je suis le garant de leur indépendance. Quand je dis que sur Le Mouv', les animateurs sont en liberté, cela correspond à la perception que j'ai à l'écoute ; cela ne signifie pas qu'il existerait un îlot de liberté sur une antenne peu écoutée. Vous me faites un procès d'intention que je ne peux accepter ! Écoutez France Inter, France Info, France Culture, France Bleu ou France Musique : Radio France est libre. C'est le minimum que l'on peut attendre d'un service public ! Le jour où elle ne le sera plus, je ne serai plus là pour répondre à vos questions. Jugez sur pièces au lieu de laisser libre cours à vos fantasmes !

J'en viens à France Bleu. Il existe actuellement 42 stations locales, bientôt 43 ; nous espérons en installer une 44è à Saint-Étienne, où il existe une fréquence disponible. Leurs audiences sont assez dissemblables, mais nous tentons d'y remédier. Le plan stratégique mis en oeuvre, avant mon arrivée, sous la houlette de la directrice de France Bleu de l'époque, a permis d'homogénéiser les produits et les grilles. C'est ainsi que l'on gagnera des parts de marché.

La publicité représente 8 % de nos ressources : c'est à la fois trop peu et beaucoup. Nous nous efforçons de respecter notre cahier des charges sans coûter un euro de plus au contribuable. Je pense que, cette année, nos résultats seront très satisfaisants. Nous bénéficions également de parrainages, conçus de manière à ne pas indisposer nos auditeurs, qui n'aiment pas la publicité à outrance.

Le chantier de la Maison de Radio France sera achevé en 2016. L'auditorium, qui joue un rôle très important dans notre stratégie musicale, sera inauguré à la rentrée 2013. Il s'agit d'un chantier de 80 mois, le plus gros de Paris, qui a connu de nombreuses difficultés, et qui avance par phases successives. Je dois avouer qu'à mon arrivée, sa conduite me souciait davantage que la question de la liberté sur l'antenne de France Inter !

S'agissant de cette dernière, je pense que si l'on croit à ce que l'on fait, on souhaite être écouté. Je préfère que les Français se nourrissent au lait du service public qu'à celui du commerce. C'est en ce sens que je dis que je suis obsédé par les sondages. Si nous remplissons correctement notre mission de service public, les Français se tourneront vers nos stations, qui sont des antennes de qualité, avec des valeurs, ce qui n'est pas le cas de toutes.

Quand j'ai quitté la direction de France Inter, l'audience était à 11,8 %. Le marché est peut-être plus compliqué aujourd'hui, quoi qu'il faille se méfier des appréciations toutes faites. Cela fluctue. Les modes de consommation changent, les contenus restent. Si nous savons les rendre intéressants, on consommera de la radio.

Je demande à toutes les antennes d'améliorer l'audience, sans pour autant fixer un objectif quantifié. Je mentirais si j'avançais un chiffre précis pour la fin de mon mandat, car cela dépend de très nombreux facteurs. Cela étant, je suis convaincu que France Inter, qui est une excellente radio, très mystérieuse, mérite mieux que l'audience actuelle.

Non, monsieur Rogemont, je ne pense pas que le maillage de France Bleu soit satisfaisant. Si l'on paye des impôts pour bénéficier d'un service, on doit y avoir accès. La région Midi-Pyrénées est un cas d'école. Il est de ma responsabilité de faire avancer les choses, mais il est de la responsabilité de la représentation nationale de m'y aider. La concurrence est vive, et des intérêts privés se dressent pour nous empêcher d'arriver dans certains endroits. C'est pourquoi nous avons besoin de l'aide des élus – et le maire de Saint-Étienne, que je viens de rencontrer, semble l'avoir compris. Une station en plein exercice représente 26 emplois et coûte 2,5 millions d'euros par an : vu la situation des finances publiques, il est difficile de les trouver – et encore, je ne me plains pas, comparativement à d'autres services publics ! Il faut donc trouver des solutions.

Se posent également des problèmes de fréquence. À Toulouse, Radio France, bonne élève, a rendu des dizaines de fréquences afin de développer l'industrie de la radio dans la région. Nous avons obtenu une nouvelle fréquence, par préemption du ministère de la culture et de la communication, mais cela ne fait pas plaisir à tout le monde ! Il faut donc se battre pour compléter le maillage de France Bleu.

Toutefois, jamais je n'engagerai un euro d'argent public dans un projet sans avoir prévu préalablement son financement. Vous seriez les premiers à me le reprocher ! Sur le plan financier, Radio France est gérée avec prudence. Elle fonctionne avec les moyens dont elle peut disposer dans le contexte économique actuel.

S'agissant de la radio numérique terrestre, nous restons dans l'expectative. Il nous est difficile de faire quoi que ce soit, dans la mesure où il s'agit d'un problème quasiment industriel. Il est certain que nous avons intérêt à nous engager dans cette aventure, mais je ne suis pas sûr que le moment soit propice, vu le contexte financier. Par ailleurs, il faudrait examiner la situation chez nos voisins, améliorer l'équipement en récepteurs numériques – bref, je souhaiterais des conditions optimales pour démarrer. Pour l'heure, j'attends la remise du rapport final de David Kessler sur le sujet.

Madame Buffet, c'est en effet Jérôme Bouvier, journaliste à Radio France, qui anime les Assises du journalisme à Strasbourg. Étant journaliste depuis 42 ans, il m'arrive de réfléchir à l'essence de mon métier. En l'occurrence, je pense que l'information est le socle de la démocratie : si les gens ne sont plus informés, c'en est fini de la démocratie. C'est pourquoi je m'interroge très souvent sur la différence entre l'information et le bruit.

France Info est particulièrement légitime pour prendre position dans le débat ; c'est d'ailleurs l'un de ses axes de développement. J'ai tendance à penser que tout le monde n'a pas les mêmes ambitions, ni les mêmes moyens, pour « faire de l'info ». France Info est remarquable de ce point de vue, puisqu'il s'agit d'une station entièrement dédiée à l'information. Il faut faire valoir cette spécificité.

La dernière campagne publicitaire de France Info a fait l'objet d'une longue discussion. La signature retenue est : « L'information est une vocation », alors que je souhaitais « Informer, c'est un métier ». J'espère que ce sera pour la prochaine fois ! Il est certain que, dans ce domaine, tout ne se vaut pas.

Autant être honnête, nous avons pris du retard dans notre développement multimédia. Nous sommes en train de refondre tous nos sites. Pour une chaîne comme France Inter, il faut un site extrêmement puissant, avec une ergonomie impeccable. Sachant que nous avons cinquante stations, je vous laisse imaginer le travail et les moyens que cela suppose, notamment en termes de personnel. Des redéploiements sont nécessaires, ce qui impose une réflexion préalable, un dialogue avec les personnels et une adhésion commune. Ce n'est pas toujours évident, d'autant que ces investissements, très coûteux, se font nécessairement au détriment d'autres !

Nous avons cependant vocation, eu égard à la qualité de nos produits, à diffuser en podcast. Il faut savoir que France Culture est la deuxième radio la plus podcastée : qui l'eût cru ? Nous avons pris du retard à partir du mois de mai en raison de difficultés rencontrées sur le site de France Culture, qui est très ambitieux – mais ne vaut-il pas mieux prendre trois mois de retard et livrer un bon produit plutôt que de bâcler un site vite fait ? Le site de France Inter, qui était prévu pour la fin de l'année, ne sera donc prêt qu'en février.

S'agissant du redéploiement du personnel de France Bleu, je crois à l'équité. Certaines stations locales ont quatre mois, d'autre plus de vingt ans ; elles ont été gérées diversement, et le résultat s'en ressent. Il se trouve que France Bleu Nord avait onze journalistes, contre six pour France Bleu Champagne. J'ai donc souhaité faire une péréquation et, après avoir entendu tout le monde, j'ai décidé qu'à l'occasion d'un départ en retraite, un poste serait transféré de Lille à Reims. J'ai bien conscience de la gêne ou de l'inquiétude que cela peut susciter, mais je dois aussi prendre certaines décisions, dans le respect du contrat d'objectifs et de moyens. Il serait tellement plus facile de ne rien faire ! Dans une maison hypersensible comme la nôtre, où l'on se dit tout, cela peut prendre des proportions énormes, mais cela fait partie de la vie de l'entreprise. Je pense très sincèrement que cette décision était juste.

Je précise qu'un autre cas s'est présenté en Corse, où j'ai fait machine arrière. En d'autres termes, j'essaie de ne pas systématiser les choses, afin de ne pas angoisser le personnel des locales.

Quant au statut, la question de la précarité ne se pose pas à Radio France, qui est une maison très attentive à son personnel ; je suis en effet convaincu que, pour exercer correctement son métier de journaliste, il faut ne pas avoir à s'inquiéter du lendemain.

S'agissant des personnels d'antenne des radios locales (PARL), les conflits, qui avaient éclaté bien avant mon arrivée, ont été réglés et le personnel bénéficie maintenant de contrats de droit commun.

Il n'existe pas de recette miracle pour concevoir une antenne : il faut prendre son temps, réfléchir au service que l'on souhaite offrir et bâtir un projet. C'est ce que j'ai fait pour le Mouv' : je voulais de la culture, de la politique, du débat et du service, sur tous les thèmes ; je voulais aussi une station intergénérationnelle, que les gens de mon âge puissent écouter. Sur ce plan, le pari est gagné.

Il fallait faire vite, parce que cette antenne, sans être mourante, allait mal : 300 000 auditeurs, ce n'était pas suffisant. Quand on change tout, il faut que ça s'entende tout de suite, parce que nous n'avons pas les moyens de nous offrir une grande campagne de communication à chaque initiative que nous lançons. Nous avons donc choisi de faire fort.

Il reste maintenant à homogénéiser et fluidifier l'antenne, sur laquelle cohabitent actuellement cinq radios différentes : la matinale, le midi, la tranche culture, la tranche débats, auxquels s'ajoutent quelques restes de l'ancien Mouv' musical. Les équipes se consacrent à fond à l'aventure, qui – soulignons-le ! – est la seule nouveauté de la dernière rentrée radiophonique. Il s'est passé quelque chose, toute la presse en convient. D'ailleurs, David Lynch est venu sur le Mouv', ce qui aurait été inenvisageable avant ! Cela prouve que l'on a réussi à intéresser les auditeurs.

Si je disposais de davantage de ressources, peut-être lancerais-je d'autres radios pour les jeunes. Toutefois, je ne crois plus aux niches musicales : avec le téléchargement, les jeunes n'ont plus besoin de nous pour écouter de la musique. Je privilégierais plutôt une station pouvant intéresser le troisième âge – ce qui est particulièrement difficile à concevoir.

Je terminerai en corrigeant quelques erreurs. On a dit que FIP ne retransmettait plus que du jazz et du classique : c'est faux ! L'erreur provient d'un membre du CSA, qui a lu un peu trop rapidement notre communication. Mais écoutez FIP, vous verrez que sa programmation reste très variée, avec des fondamentaux musicaux. Les auditeurs sont d'ailleurs satisfaits, puisqu'elle a gagné 10 % d'audience.

De même, je n'ai pas changé 30 % de la grille de France Inter : ce n'est pas moi qui ai demandé à Nicolas Demorand d'aller sur Europe 1 ! Rétablissons la chronologie des faits : nous avons été dans l'obligation de modifier la grille parce que Nicolas Demorand devait prendre en charge la tranche 18-20 heures. Cela fait partie de la vie des antennes. Je vous invite à venir voir comment se négocie une grille de rentrée : il faut savoir s'adapter !

Quant à la pédagogie, il s'agit d'une des préoccupations du directeur de la musique, Marc-Olivier Dupin. La tâche est actuellement compliquée par les travaux de réhabilitation, puisque nous ne disposons plus, comme avant, d'un grand studio où mille jeunes pouvaient venir voir et écouter maître Chung.

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