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Intervention de Christian Kert

Réunion du 10 novembre 2010 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Kert :

L'enfer est pavé de bonnes intentions. Si nous sommes certains de celles de M. Bloche, son texte risque de produire le contraire de ce qu'il souhaite. La proposition de loi comporte deux grandes mesures. La première tend à garantir l'indépendance des rédactions par la constitution d'un comité veillant au respect de la déontologie. La seconde vise à renforcer les obligations d'information sur l'actionnariat, à la charge des entreprises éditrices et des actionnaires.

La proposition de loi aurait été servie par l'actualité si le groupe Amaury avait persisté dans l'idée de vendre Le Parisien-Aujourd'hui en France, mais nous savons que ce n'est pas le cas. Pour avoir auditionné des patrons de presse, M. Bloche sait que la première mesure suscite l'opposition de tous les responsables d'entreprises de presse, qui y voient une grave limitation de leur pouvoir. Ils ne souhaitent pas être contraints par la loi, ce qu'on peut comprendre, ni voir créer une nouvelle structure, autonome, qui réduirait manifestement leur liberté d'action. Au reste, loin de renforcer le respect de règles déontologiques, le dispositif ne ferait que paralyser les entreprises de presse. Comment ferait-on coexister, au sein d'une même rédaction, deux équipes composées des mêmes journalistes, mais dotées de pouvoirs et de statuts différents ? Les membres de l'équipe rédactionnelle chargés du respect de la déontologie bénéficieraient en effet, en matière de droit du travail, de la même protection que les représentants du personnel. Ainsi, il faudrait une autorisation préalable de l'inspecteur du travail pour les licencier. En outre, comment envisager que, par le biais du droit de veto, ils puissent peser sur la nomination du responsable de la rédaction, c'est-à-dire de leur propre supérieur hiérarchique ? Enfin, la notion de déontologie étant vaste et relative, il faut réfléchir à l'étendue des compétences de l'équipe rédactionnelle, qui disposerait d'un droit de regard sur la politique éditoriale et rédactionnelle de l'entreprise. Comment imaginer que les journalistes aient le même niveau de responsabilité sur le contenu que le responsable de leur équipe ?

La deuxième mesure, contenue dans les articles 2 et 3, consiste en une obligation de déclarer les noms des actionnaires détenant plus de 10 % du capital et, en cas de changement, l'identité des nouveaux dirigeants et des actionnaires. Mais l'article 5 de la loi de 1986 sur la presse oblige déjà les entreprises de presse personnes morales à indiquer le nom de leur représentant légal et de leurs trois principaux associés, et à porter à la connaissance des lecteurs le nom du directeur de la publication. Il suffit d'ouvrir n'importe quel quotidien pour le vérifier. À cet égard, la proposition de loi est donc en grande partie satisfaite.

Enfin, puisque ces mesures visent, ce qui est louable, une plus grande transparence quant à la détention du capital, elles devraient s'inscrire dans une réflexion plus globale sur l'ensemble des sociétés par actions. En la matière, il n'est pas souhaitable de prévoir un régime spécifique pour les entreprises de presse.

Pour toutes ces raisons, et malgré la bienveillance avec laquelle nous avons accueilli ce rapport, nous ne voterons pas la proposition de loi.

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