Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Philippe Chalmin

Réunion du 27 octobre 2010 à 18h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Philippe Chalmin, professeur à l'Université Paris-Dauphine, président de CyclOpe :

Il y a des gagnants et des perdants, mais il y a toujours autant de positions dans un sens que dans l'autre. Si l'on vend, c'est qu'il y a quelqu'un pour acheter. Sur le marché, le jeu est à somme nulle. Mais il y a d'autres acteurs. Le producteur très content d'avoir vendu en juillet son blé à 130 euros la tonne, alors qu'on était à 110 deux mois plus tôt, se mord les doigts aujourd'hui. La coopérative qui le lui a acheté y gagne, sauf si elle s'est couverte immédiatement. Celui qui est sûr de gagner, in fine, c'est le meunier ou le boulanger, qui répercute immédiatement la hausse du prix alors qu'il a acheté trois mois plus tôt. La hausse de la baguette pouvait s'expliquer lorsque le blé est passé de 120 à 300 euros la tonne en 2007-2008, mais il n'y a pas eu de baisse lorsqu'on est retombé à 120 euros en 2009 et mon boulanger vient de m'expliquer qu'il allait encore augmenter de cinq centimes le prix de la baguette…

Dans le chemin qui va du producteur au consommateur final, le spéculateur en lui-même ne prélève rien. Dans un marché très concurrentiel, il peut même permettre aux professionnels de fonctionner à contre-marge. L'Égypte, par exemple, est le premier importateur mondial de blé : entre 6 et 9 millions de tonnes par an. Son principal acheteur est public : le General Authority for Supply Commodities. Lorsqu'il fait un appel d'offres, il doit calculer le prix du blé. Ce n'est pas compliqué : le prix du marché à terme, le différentiel entre ce prix théorique et le marché physique, le coût du fret et des assurances… Tout le monde peut faire le même calcul au même moment. Or, lorsque j'ai travaillé avec le GASC, le prix concrètement obtenu était de 3 ou 4 % inférieur à ce calcul optimal : l'immense transparence du marché permettait en fait aux négociants d'optimiser toutes les petites spéculations nécessaires pour couvrir leurs risques. Cela ne fait pas baisser les prix : cela fait que le coût d'intermédiation normal du négociant est quasiment pris en charge par le marché. Les choses étaient très différentes pour le riz, dénué de marché dérivé. Lorsqu'un négociant remplit un bateau de riz à Bangkok et l'amène au large de l'Afrique avant d'appeler les gros importateurs locaux, il prend le risque de deux mois d'incertitude sur le prix du riz. C'est un jeu extrêmement risqué et il est obligé de vendre avec une marge.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion