Quinze jours plus tard, les États se portaient garants pour les banques : si nous avions attendu, nous n'aurions pas eu à recapitaliser Dexia. Mais nous étions prisonniers d'un dilemme car la banque, si nous n'avions pas réagi, aurait pu chuter. Lors de la fameuse nuit du lundi au mardi, le gouvernement belge craignait une panique bancaire (bank run) ; dans les agences de Dexia, les personnels du back office ont dû descendre au rez-de-chaussée pour accueillir les clients, afin d'éviter, à l'entrée des agences, des files d'attente qui auraient déclenché la ruée vers les guichets !
À mes yeux, c'est vraiment le CDS nu qui pose problème, la spéculation en ce domaine s'apparentant, je le répète, aux paris chez un bookmaker. On ne parie pas ainsi sur la situation financière des entreprises ou des États !
Les rachats de dettes avec fort effet de levier, les LBO, constituent plutôt une dérive du « court-termisme » – ce sera mon troisième point–, dans la mesure où ils valorisent les entreprises en stoppant les investissements. Lorsque j'ai pris la direction de la Caisse des dépôts, j'ai été frappé de ce que plusieurs entreprises étaient en situation de « Capex holidays », c'est-à-dire d'arrêt des capacités d'investissement : le fonds LBO, en achetant une société à un prix x qui correspond à un multiple du bénéfice, accroît fortement ce dernier en stoppant les investissements ; si bien que, quatre ans plus tard, la société est revendue à un prix augmenté d'autant, l'arrêt des investissements, qui tue l'entreprise et menace ses emplois, n'étant pas détectable à court terme. C'est pourquoi nos équipes examinent les informations, y compris et notamment extra-financières, pour apprécier la valeur réelle des entreprises : en ce sens, l'article 225 du Grenelle, qui obligera les entreprises à établir un rapport de développement durable certifié, est un progrès important.