…et mettra sur le marché du travail des salariés moins qualifiés.
Au moment où vous diminuez le budget de l'éducation, vous augmentez les crédits de guerre pour garantir l'envoi des troupes en Afghanistan. Une fois de plus, le mensonge est à la base de cette politique. Faut-il rappeler, là encore, les paroles du Président durant sa campagne, le 16 avril 2007 sur le plateau de À vous de juger, sur France 2 : « La présence des troupes françaises à cet endroit du monde ne me semble pas décisive. […] Il y a eu un moment donné où pour aider le gouvernement de M. Karzaï il fallait faire un certain nombre de choix, et d'ailleurs le président de la République a pris la décision de rapatrier nos forces spéciales et un certain nombre d'éléments. C'est une politique que je poursuivrai. Si vous regardez l'histoire du monde, aucune armée étrangère n'a réussi dans un pays qui n'était pas le sien, aucune ! » Vous disposiez alors des mêmes informations qu'aujourd'hui sur la dégradation de la situation. Mais, une fois de plus, vous vous reniez.
La politique internationale, et notamment l'intervention militaire en Afghanistan, est la raison principale qui a poussé la gauche à déposer cette motion de censure, parce qu'on ne joue pas à la roulette avec la vie de nos soldats, et parce qu'on ne s'engage pas imprudemment dans une situation de guerre sans se soumettre au verdict de l'opinion. Je voudrais d'abord insister sur la désinvolture avec laquelle le Président conduit la politique extérieure et de défense de la France. En tant que représentants du peuple français, nous ne pouvons qu'être choqués par l'intervention politique du Président de la République devant la Chambre des communes britannique. Après des louanges appuyées au modèle économique anglo-saxon, le Président a annoncé l'envoi de centaines de soldats supplémentaires en Afghanistan, s'ajoutant aux quelque 2 000 militaires français des forces spéciales déjà présents sur place. Cette annonce a donc été faite devant les députés de Grande-Bretagne sans information préalable de la représentation nationale – sans parler d'en discuter avec elle –, contrairement à François Mitterrand, qui avait demandé au Parlement de se prononcer avant l'intervention française dans la première guerre du Golfe, en 1991. Cet acte en dit long sur la conception monarchique du pouvoir que le Président compte faire avaliser début juillet par le Congrès réuni à Versailles pour adopter la nouvelle mouture de la Constitution.
Dans ce projet, rien ne permettra de contrôler le « domaine réservé » de l'Élysée qu'est la politique étrangère et de défense. Ce n'est certes pas nouveau, mais alors que le monde plonge dans une guerre de civilisation promue par George Bush, d'Irak en Afghanistan, alors que les conflits écologiques majeurs au sujet de l'eau, des ressources énergétiques ou du climat sont devant nous, alors que les crises identitaires liées à la mondialisation embrasent la planète, cette étrangeté de la démocratie française devient un enjeu essentiel. Allons-nous accepter longtemps encore que la représentation nationale soit ignorée quand il s'agit d'envoyer des jeunes soldats mourir pour des causes qui n'ont fait l'objet d'aucun débat ?
Dans le cas précis de l'Afghanistan, cette consultation était d'autant plus nécessaire que, sous couvert d'une opération de police, c'est en fait une sale guerre qui est engagée depuis six ans. Avec la décision que vous venez de prendre sans nous consulter, la France prend le risque de s'enliser dans un bourbier qui commence à ressembler à celui qu'ont vécu les Soviétiques dans ce même pays. La reconstruction économique et sociale de l'Afghanistan en est au degré zéro. En l'état, la guerre est perdue.
Après le 11 septembre 2001, il fallait refuser de choisir entre la vengeance et l'impunité. Le président des États-Unis, Georges Bush, a choisi et la vengeance et l'impunité. Ce qui nous a été présenté comme une opération de police contre Al-Qaïda n'a jamais été mené à son terme, comme s'il s'était agi de laisser en l'état un ennemi bien commode à diaboliser. Malgré toutes les promesses de financement, la reconstruction de l'Afghanistan s'est perdue dans les montagnes. Au point qu'aujourd'hui les Américains et les forces de l'ISAF apparaissent à beaucoup – par exemple aux tribus pachtounes – comme des occupants, mais des occupants sans plan Marshall, et qui ne proposent aucune politique susceptible d'améliorer le sort des populations. Aucune initiative d'envergure n'a été entreprise qui aurait pu avoir une influence réelle sur la population, qu'il s'agisse de l'éducation, de l'eau, de l'électricité ou des transports en commun, sans parler de la santé. Rien n'est fait pour lutter contre la pauvreté. Malgré de nombreux dons internationaux, la situation du peuple afghan se dégrade, et ces dons se sont rapidement taris. C'est particulièrement patent dans le domaine de la santé.
Les émeutes du 29 mai 2006 ont montré à quel point les forces armées étrangères peuvent être détestées par les Afghans. Ces derniers se sentent méprisés par des militaires qui sont là moins pour les protéger des talibans, comme ils s'y étaient engagés, que pour essayer de protéger les pays occidentaux de ceux qui veulent propager le terrorisme. Quant au président Karzaï, qui ne gouverne pas plus loin que son palais, il mènerait une politique de réconciliation avec les talibans s'il le pouvait réellement.
Le détournement de l'argent de la communauté internationale au profit des seigneurs de la guerre et d'un gouvernement corrompu est avéré. La relance du trafic de drogue a fait de l'Afghanistan le principal producteur et exportateur de morphine base. Elle est en train de transformer l'Afghanistan, comme naguère la Colombie, en premier État narcotrafiquant du monde. Les talibans eux-mêmes qui, avant la guerre, avaient pris des mesures radicales contre la production de drogue, sont en train de construire une coalition hétéroclite promouvant à la fois la guerre contre les Occidentaux et le narcotrafic.
La guérilla talibane n'a jamais été aussi active, intervenant dans la majorité des provinces afghanes et déstabilisant le Pakistan avec ses alliés d'Al-Qaïda. Plus de 800 soldats de plusieurs nationalités, dont 14 Français, ont déjà trouvé la mort. Comme en Irak, les pertes afghanes sont incalculables. Chaque jour, les bombardements font des massacres parmi les populations civiles. On ne compte plus les mariages écrasés sous les bombes, parce que confondus avec des regroupements talibans. L'OTAN mène une guerre « hors sol », en s'appuyant sur le guidage satellitaire plutôt que sur le renseignement humain. Il faut se rendre à l'évidence : la présence des 40 000 soldats de l'Alliance atlantique n'a pas permis de venir à bout des talibans. Sept ans après avoir été chassés du pouvoir, il suffit que les forces occidentales quittent une région pour qu'ils en reprennent aussitôt le contrôle.
Cette guerre n'est pas gagnable parce que ses méthodes, ses objectifs, son contenu sont entièrement dirigés à partir des orientations de guerre préventive voulues par George Bush. Cette opération dite de police, décidée par l'ONU, s'est effectuée sous la direction du commandement militaire intégré de l'OTAN – c'est-à-dire, en clair, sous l'autorité du Pentagone – et s'est transformée en guerre de type colonial. La politique de guerre dite de « basse intensité » se traduit par des bombardements aveugles qui ressoudent la population autour du mollah Omar. Cette politique est donc une faillite sur toute la ligne, sauf pour le Pentagone, qui en a profité pour tester son matériel technologique de guidage satellitaire, a installé plusieurs bases militaires en Asie centrale, se sert de l'Afghanistan comme d'un camp d'entraînement pour ses troupes et met en place une nouvelle OTAN, redéployée stratégiquement.
Rien ne permet de dire aujourd'hui que les États-Unis changeront d'orientation et de méthodes concernant la conduite et les objectifs de cette guerre. Au contraire, l'annonce de l'entrée de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, en rupture avec près de quarante-cinq ans de politique étrangère et de défense française, va accélérer le leadership des États-Unis, dont la doctrine militaire repose aujourd'hui entièrement sur le développement de la guerre préventive à outrance. C'est pourquoi, avec le groupe GDR et l'ensemble de la gauche, nous nous prononçons contre l'envoi d'un seul homme de troupe dans cette sale guerre. Nous demandons la redéfinition des objectifs politiques et militaires de la France dans cette région.
Nous devons prendre la mesure de l'alignement atlantiste du Président de la République. En moins d'un an, il a opéré un virage à 180 degrés de la politique étrangère de notre pays, en rupture dangereuse avec la culture politique française. Sans mandat aucun, il a décidé d'engager notre pays dans une réorientation complète de son appareil militaire. Le Président de la République a marqué le début de son quinquennat par un rapprochement avec les États-Unis. Il l'a fait à coups de petites touches symboliques : visite à la famille Bush, discours devant le Congrès – sans jamais prononcer le mot Irak –, voyage à Bagdad de Bernard Kouchner, …