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Intervention de Odile Saugues

Réunion du 10 novembre 2010 à 9h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOdile Saugues, rapporteure :

L'examen par notre Assemblée de cette proposition de loi, qui porte sur un domaine ignoré des clivages politiques, constitue pour moi une grande satisfaction.

La mission d'information sur la sécurité aérienne, créée en 2004 après l'accident de Charm-el-Cheikh – 148 morts, dont 135 Français –, que j'ai présidée et dont le rapporteur était François-Michel Gonnot, avait approuvé à l'unanimité quarante préconisations formulées après six mois de travail. Ce rapport a d'abord eu un succès d'estime, avant de voir sa recommandation n° 26 mise en oeuvre en 2005 : la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a accepté de constituer une liste noire, répondant à la pression de la société civile et à la vive émotion causée par la série de catastrophes des 6, 14 et 16 août 2005, cette dernière ayant causé la mort de 152 de nos compatriotes dans un avion de la West Caribbean Airways.

Malgré le scepticisme de certains, l'Union européenne a dressé fin 2005 sa propre liste des compagnies interdites d'atterrissage sur son sol. Régulièrement mise à jour, elle est le pendant de la liste américaine de la Federal Aviation Administration – la FAA applique la Part 129 de l'Aviation Rulemaking Committee Charter, qui conditionne l'atterrissage et le survol du territoire au contrôle de la conformité des aéronefs étrangers.

Le contrôle à tous les niveaux de la construction, la formation des pilotes, la maintenance par des ateliers certifiés, la conformité des pièces, les audits réguliers sont des procédures normales dans les pays ayant une culture approfondie de la sécurité. Ils procèdent moins de l'évidence dans certains États, notamment dans les pays en voie de développement, qui éprouvent davantage de difficultés à respecter les normes de sécurité.

Aussi bien l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), créée par le général de Gaulle en 1959 et regroupant seize pays, que l'association dite Autorités africaines et malgache de l'aviation civile (AAMAC), reçoivent une aide financière de l'Union européenne et leurs pilotes bénéficient de stages de formation à nos pratiques de sécurité. Mais en dépit des audits et de leurs obligations, le taux de non-conformité aux normes et pratiques recommandées atteint encore 46 % dans ces pays.

Les compagnies dites de « bout de ligne » figurent bien évidemment sur la liste noire de l'Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA). Selon l'un des six voyagistes auditionnés par la mission parlementaire, la vente du « package dynamique » – ou séjour sur mesure – sur Internet doit être tout particulièrement encadrée.

Cette proposition de loi a donc pour objet de contraindre les vendeurs à s'assurer que la dernière partie du voyage sera prise en charge par une compagnie répondant aux normes et à donner à l'acheteur une information complète sur les risques encourus. Le texte initial crée un délit spécifique pour toute personne qui aurait facilité la vente de titre de transport sur un aéronef d'une compagnie répertoriée sur la liste noire de l'AESA.

Toutefois, ces dispositions ne pourront empêcher le renouvellement d'une catastrophe telle que celle de la Yemenia, qui avait causé la mort de 150 Français : la compagnie, non inscrite sur la liste noire, utilisait un aéronef interdit par l'ASEA pour effectuer des emports hors de l'Union européenne.

Depuis 2004, je reçois, à leur demande, les familles des victimes de catastrophes aériennes. C'est à chaque fois un moment difficile d'autant que l'argument, pourtant recevable, selon lequel l'avion est l'un des moyens de transport les plus sûrs n'est pas de mise face à la douleur des familles. Le message que les associations me font passer lors de colloques ou d'événements est toujours le même : le législateur doit renforcer les textes et mieux contrôler leur application. Elles souhaitent aussi voir leurs rapports s'améliorer avec la DGAC, le bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) et l'AESA lors des enquêtes sur les accidents. Une directive européenne portant sur cette question est en préparation.

Le ciel unique européen a renforcé les pouvoirs de l'AESA, plaçant l'Agence en première ligne de la sécurité aérienne. Les parlementaires français peuvent se saisir en amont de ces questions et apporter leur avis sur les textes en cours. Je l'ai fait en votre nom dans un rapport de la Commission des affaires européennes sur la sécurité aérienne.

Mais il nous incombe aussi, en les sanctionnant, de limiter les risques encourus par nos concitoyens sur le territoire français. Je pense tout particulièrement à l'accident de Cap-Skirring, survenu en 1992, dans lequel un célèbre tour-opérateur français avait été mis en cause.

Le risque zéro n'existe pas. Mais l'importante progression du transport aérien dans le monde et la capacité de plus en plus grande des aéronefs – l'A380 pourrait transporter jusqu'à 1 000 passagers – font de cette vigilance une obligation.

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