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Intervention de Bernard Spitz

Réunion du 28 octobre 2010 à 16h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Bernard Spitz, président de la Fédération française des sociétés d'assurances, FFSA :

Issue au début de cette année de la fusion de la Commission bancaire et de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) exerce un contrôle sur pièces et sur place tout à fait efficace. Elle peut prendre des mesures de police administrative coercitives lorsque la solvabilité d'un assureur, ou l'intérêt des assurés, se trouve compromis. Durant la crise financière, l'ACAM a conduit des enquêtes ciblées ou générales sur les placements des assureurs et sur le comportement des assurés : cela a permis de constater la stabilité des portefeuilles et la confiance des assurés dans l'assurance-vie, un produit qu'ils jugent simple et accessible.

Aucune société d'assurance française n'a fait défaut lors de la crise financière car l'exposition aux produits risqués est demeurée très marginale. Vous avez évoqué le cas d'AIG, une compagnie américaine qui a voulu développer des activités purement bancaires et spéculatives à Londres, sur les mauvais marchés et au mauvais moment, prenant des risques considérables. De l'avis général des observateurs, l'existence d'AIG n'aurait pas été compromise si la société s'en était tenue à la stricte activité d'assurance. Et aux Pays-Bas, ce sont les filiales d'assurance des banques qui se sont trouvées en difficulté.

Certes, les assureurs ont été affectés par la crise, puisque certains de leurs actifs ont été touchés, mais ces difficultés n'ont pas remis en cause la solidité du secteur, ni même d'aucune société prise individuellement. Aucun euro public – c'est notre fierté – n'a été dépensé pour notre secteur.

Dépassant les leçons de la crise financière de 2008 et de l'épisode grec, on peut considérer que l'assurance n'est pas porteuse de risques financiers systémiques. Son modèle économique et ses méthodes de gestion financière la tiennent à l'écart de ceux-ci et même lui permettent d'exercer un rôle stabilisateur, à la fois dans la sphère financière et dans celle de l'économie réelle, en contribuant à lisser les fluctuations de marché.

Jean-François Lepetit, dans son rapport sur le risque systémique paru en avril, constate que « les assureurs conduisent à l'actif une stratégie d'investissement de long terme pouvant jouer un rôle contracyclique dans le secteur financier » et que « peu sensibles aux variations de court terme des marchés, [ils] jouent en principe un rôle d'absorbeur de chocs. ». Et de conclure : « Cela ne veut pas dire que les assureurs sont protégés des chocs, mais par construction leur business model ne les conduit pas à prendre des positions spéculatives risquées ».

En augmentant pendant la crise, contre toute attente, la part de leurs 1 600 milliards d'actifs investie dans les entreprises – celle-ci est passée de 51 % à 54 %, répartie entre un tiers d'actions et deux tiers d'obligations –, les assureurs ont joué un rôle d'amortisseur pour l'économie réelle. L'autre part des actifs est très majoritairement destinée à financer la dette de l'État, et a donc également un effet stabilisateur. En outre, le fait qu'il s'agisse d'une épargne nationale est perçu très positivement par les marchés.

Ce modèle, toutefois, est menacé. En premier lieu, la pression fiscale s'accentue, faisant porter au secteur un fardeau sans relation avec son poids économique, et bien supérieur à l'effort demandé aux banques, par exemple. Plus de 5 milliards sont prélevés sur les compagnies d'assurances, dont 1,7 milliard au titre de la taxe sur la réserve de capitalisation, laquelle revient à priver les assureurs d'une partie de leurs fonds propres. Cette décision les lèse gravement vis-à-vis de leurs concurrents européens, au moment même où la directive Solvency II vise à élever le niveau d'exigence en matière de fonds propres.

La deuxième menace vient précisément de Solvency II, mais aussi de l'adoption des normes comptables IFRS, qui risquent d'avoir des effets procycliques. La méthode de la juste valeur (fair value) est contraire à notre logique de long terme, puisque les actifs doivent être valorisés à leur valeur de marché à la date de clôture du bilan. Cette réforme aura pour conséquence d'introduire davantage de volatilité dans les résultats des assureurs. Qui sait si ceux-ci, pour compenser cette volatilité, ne s'exposeront pas à des risques de marché en prenant des produits de couverture ?

Chacun des acteurs du secteur financier a une spécificité. Les assurances visent à apporter une sécurité en prenant des engagements auprès des assurés selon une logique de long terme. Tout ce qui concourt à fragiliser ces engagements est contraire à la culture assurantielle et prohibé par le droit de l'assurance. Les assureurs ne sont donc pas responsables de la spéculation. Ils en sont les témoins, et souvent les victimes.

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