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Intervention de Bertrand Jacquillat

Réunion du 20 octobre 2010 à 16h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Bertrand Jacquillat, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, président directeur général et cofondateur d'Associés en finance :

Ce que l'on appelle l'algorithmic trading consiste à effectuer des transactions à partir de programmes informatiques qui, sur la base de modèles très complexes, détectent des anomalies de valorisation, lesquelles entraînent des ordres d'achat – d'une valeur sous-évaluée – et de vente – d'une valeur surévaluée. D'après ce que je lis dans la presse, cela représenterait au moins 50 % des transactions aux États-Unis, et sans doute de l'ordre de 30 % en Europe. Je ne vois pas pourquoi on interdirait une méthode de gestion qui, en elle-même, ne met pas en péril le système. Si ces opérations représentent un risque systémique, il faut bien entendu intervenir ; mais je ne vois pas d'obstacle à ce que certains, pour leurs opérations d'achat et de vente, préfèrent se fier à des programmes informatiques sophistiqués plutôt qu'aux études de Value Line.

Les choses se sont compliquées avec la directive européenne MIF, qui a son équivalent aux États-Unis. Les bourses traditionnelles ont ainsi perdu des parts de marché considérables au profit des nouveaux entrants – BATS, Chi-X, Turquoise… – sans parler du problème des dark pools. Ces plateformes alternatives sont ce que l'on appelle en économie des passagers clandestins : elles offrent à moindres frais des services équivalents à ceux des opérateurs historiques, sur les infrastructures desquels elles se greffent sans avoir à en supporter le coût. NYSE Euronext a riposté – cela a d'ailleurs fait scandale il y a quelques mois – en déplaçant ses systèmes informatiques à Londres, pour se rapprocher des opérateurs qui s'adonnent, plus qu'en France, au HFT et gagner ainsi quelques microsecondes, tout en permettant aux opérateurs d'avoir accès à ses ordinateurs. Plus que les dangers du HFT lui-même, les problèmes me paraissent être l'organisation du marché et celle de la concurrence – puisqu'on offre à des acteurs importants, qui sont toujours des institutionnels, la possibilité d'accéder aux informations avant les autres, à commencer par les personnes physiques.

En ce qui concerne le 6 mai, je n'ai pas encore compris ce qui s'est passé exactement. Je pense qu'il y a eu une conjonction de facteurs. Déjà, on a mis longtemps à comprendre que le krach de 1987 avait été provoqué par l'utilisation de techniques tout à fait nouvelles, affectant les cours d'une façon inexplicable aux yeux des autres opérateurs, lesquels ont réagi en adoptant des comportements moutonniers. L'accident du 6 mai n'a pas été extrêmement grave, mais il l'est néanmoins quant à ses conséquences. Comme à propos des problèmes de concurrence que j'évoquais à l'instant, les autorités de régulation craignent que les épargnants s'éloignent des bourses, pourtant faites pour les rapprocher de ceux qui ont des besoins de financement.

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