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Intervention de François Hollande

Réunion du 8 avril 2008 à 15h00
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Hollande :

Car si notre pays renonçait à son autonomie de jugement au sein de l'Alliance, c'est l'ensemble de l'Europe – pas simplement la France – qui se trouverait en situation d'alignement sur les États-Unis. Et que vaut l'argument sur la contrepartie offerte en termes de reconnaissance de l'Europe de la défense ? C'est un jeu de dupes ! Les États-Unis ne peuvent donner aucune garantie tout simplement parce que l'Europe de la défense ne dépend pas d'eux. L'Europe de la défense dépend des Européens eux-mêmes. Il revient aux Européens de décider quelle sera leur défense, leur politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Quels sont les pays européens qui bloquent toute initiative de défense en Europe ? Précisément ceux qui veulent que la France revienne dans l'OTAN. Alors, il y aura bien une défense de l'Europe, mais pas une Europe autonome de la défense : voilà la différence ! On peut faire protéger l'Europe par d'autres, par le parapluie américain. Ce qui est en cause, ce n'est pas seulement protéger l'Europe, c'est lui donner un contenu politique, une politique étrangère et une politique de sécurité communes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce retour vers l'OTAN n'est pas simplement contraire aux intérêts de la France et même de l'Europe, il est aussi contradictoire avec la stabilité du monde. Car la décision du Président de la République intervient au moment où l'OTAN change d'identité. C'est en ce sens que cette décision est inopportune. L'Alliance – chacun en convient – connaît, sous l'influence américaine, un double élargissement. Un élargissement géographique d'abord, puisqu'elle s'étend jusqu'aux confins de la Russie, sans exclure même d'aller au-delà de l'Europe, et qu'elle conduit des opérations hors de la zone naturelle de l'OTAN – on le voit en Afghanistan. Un élargissement politique ensuite, car l'OTAN est dans une fuite en avant, ses missions l'éloignent de ce qu'elle est et doit rester – une alliance militaire – pour la faire devenir l'organisation politique de l'Occident.

Ce que le président Bush veut faire de l'OTAN – et pas simplement lui – c'est une « ligue de démocraties », selon la formule de Mac Cain, le candidat républicain. Cette « ligue de démocraties » dépositaire des valeurs du bien et poursuivant le mal dans une nouvelle illustration de la guerre des civilisations, c'est le modèle dont nous ne voulons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

L'OTAN, dans ce schéma, deviendrait le bras armé d'un bloc occidental dont la mission principale serait de défendre partout les valeurs de l'Occident, une sorte de substitut de l'ONU permettant aux États-Unis de ne plus agir seuls. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette dérive qui ne remonte pas à quelques jours mais dure depuis quelques années avait été, jusque-là, rejetée par la France, et notamment par le Président de la République précédent, parce qu'il était hostile à l'idée d'un gendarme d'un monde occidental bien-pensant. (« Mensonges ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cette dérive est aujourd'hui acceptée par le chef de l'État lorsque, dans son discours devant le Congrès américain, il lie l'avenir de nos valeurs à celui de l'Alliance. La France est bien plus qu'un pays occidental : c'est un pays européen, original ! Et si notre pays reste l'ami et l'allié des États-Unis, « ami » ne veut pas dire « soumis », et « allié » ne veut pas dire et ne dira jamais « aligné » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Nous n'avons, monsieur le Premier ministre, aucun tabou. Aucune question ne doit rester cachée parce qu'elle soulèverait trop de polémiques. Mais aussi bien sur l'OTAN que sur l'engagement de nos forces, le débat doit avoir lieu. Dans un monde qui bouge, qui change, où les menaces évoluent, bien sûr qu'il faut savoir changer, évoluer, adapter les structures !

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