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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 12 octobre 2010 à 16h20
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, commission des affaires économiques, commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Vous écrivez dans votre projet de budget : « La construction d'un budget est tout à la fois l'expression d'un contexte économique, de choix politiques et d'un projet d'avenir ».

Le contexte économique est connu. C'est un capitalisme financier mondialisé, dans lequel se sont coulées l'Europe et la France, avec des milliards d'exonérations fiscales et d'aides incontrôlées aux entreprises, la fuite en avant libérale, l'austérité budgétaire, la casse du secteur public et de l'emploi.

Les choix politiques sont également connus.

C'est d'abord le report inacceptable de l'écotaxe sur les poids lourds, qui représente un manque à gagner de 1,3 milliard d'euros pour les finances publiques. Cette redevance était pourtant le seul instrument, issu des vingt-quatre mois de marathon parlementaire du Grenelle, de nature à favoriser le report modal, enjeu de société majeur.

C'est ensuite la privatisation des autoroutes, qui prive l'Agence de financement des infrastructures de transport de France de près de 2 milliards d'euros par an, au profit des actionnaires.

C'est encore une diminution de 241 millions d'euros des crédits du programme « Infrastructures et services de transport ». Priorité devait être donnée à la régénération du réseau ferroviaire, mais l'heure semble être à la fin de la péréquation des tarifs et, surtout, à une augmentation des péages répercutée sur les usagers.

C'est la poursuite d'une politique qui, dans le domaine de la sécurité et des affaires maritimes, fait la part belle au privé, avec une diminution de 132 millions d'euros des crédits et la disparition de 96 emplois en 2011 – venant après la suppression de 190 en 2010. La réforme portuaire est toujours rejetée, tant elle s'identifie à l'abandon de la maîtrise publique. Et quel paradoxe de voir inaugurer la première « autoroute de la mer » sous pavillon bis anglais, sachant que les aides publiques sont françaises !

C'est enfin le plan fret, intitulé « schéma directeur pour un nouveau transport écologique de marchandises », qui se traduira par la réduction du trafic, par l'abandon de la desserte de plusieurs territoires et par la suppression de moyens humains et matériels, et dont les conséquences seront encore accentuées par l'abandon programmé de 60 % du transport en wagons isolés.

Alors, les luttes se multiplient : celles des cheminots, celles des bateliers qui, au moment où le Parlement débattait du Grenelle II, demandaient le simple droit de vivre décemment de leur travail, celles du personnel du remorquage, au Havre, pour obtenir le simple respect de la loi, celles des dockers et des agents portuaires…

Les élus locaux soutiennent ces luttes. L'Association des régions de France, réunie en assemblée générale le 15 septembre dernier, a décidé de ne pas donner suite aux demandes de compensation présentées par la SNCF. Elle estime, à juste titre, que la situation financière de l'entreprise publique est autant la conséquence des désengagements étatiques que celle de la crise économique. Pourtant, l'État a une mission essentielle d'aménagement du territoire et devrait soutenir les politiques favorisant la mobilité durable. C'est pourquoi je souscris à la proposition du Groupement des autorités responsables de transport – GART –, évoquée par Maxime Bono, de majorer de 0,3 % le taux du versement transport pour les agglomérations de moins de 100 000 habitants.

Les élus locaux réclament également un moratoire sur le plan fret.

Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi avoir dissimulé l'étude réalisée par le cabinet Carbone 4, qui propose un scénario différent, sans casse du wagon isolé, mais écologiquement viable, socialement acceptable et économiquement efficace ? Il s'agirait de « maintenir un portefeuille d'offres de fret prémuni d'évolutions socio-économiques imprévisibles » et de « garder la messagerie et de bénéficier de la spécificité du réseau ferré français maillé fin ». Ce scénario permettrait de diminuer très rapidement les émissions de gaz à effet de serre et de rester cohérent avec le contrat de performance 2008-2012 signé entre l'État et Réseau ferré de France.

Par ailleurs, pourquoi la SNCF n'a-t-elle pas rejoint le projet X-rail, alors qu'elle était au nombre de ses initiateurs ? L'idée est pourtant bonne : il s'agit de regrouper les entreprises ferroviaires européennes, prétendument concurrentes, afin d'améliorer le transport des marchandises sur notre continent.

Quant à la réforme de la tarification intervenue en 2010, elle se traduit par une augmentation significative des tarifs des péages, qui ne fait que conforter la concurrence déloyale existant aujourd'hui entre le rail et la route.

À la lumière de ces éléments, votre « projet d'avenir » paraît bien sombre ! Tout justifierait pourtant de mener, dans une perspective européenne, une politique volontariste des transports, secteur déterminant pour l'avenir de notre pays. Mais cela passerait par de nouveaux financements, reposant sur l'octroi d'une part de richesse pérenne. Or, chaque année, nous devons batailler pour conserver les crédits.

Votre avant-projet de schéma national d'infrastructures de transport est d'ailleurs très éloigné de ces considérations. Sur fond de RGPP, on n'y trouve que des mesures d'affichage, aux objectifs inatteignables, n'ayant rien à voir avec la mise enoeuvre effective d'une politique multimodale intégrée des transports.

Je poserai pour terminer trois questions.

Tout d'abord, j'avais déposé un amendement visant à étendre le bénéfice de l'article 73 du projet de loi de finances aux personnels ayant navigué sur les anciennes vedettes des affaires maritimes. La direction des affaires maritimes avait reconnu que ces embarcations comportaient de l'amiante et le ministère lui-même semble admettre qu'il y a eu un oubli. Pourquoi, monsieur le président, avoir refusé cet amendement au titre de l'article 40, alors qu'il ne concerne que quelques personnes ? Je trouve cela complètement déplacé et je suis sûr que les personnels concernés partageront mon étonnement.

Ensuite, le projet POLT représente une vraie solution d'aménagement de notre territoire. Notre pays a besoin de radiales ; or c'en est une, qui s'ajoute aux deux autres, vers le sud-ouest d'une part, vers le sud-est d'autre part. Dans ce secteur, le transport routier représente 80 % du transport logistique. La ligne actuelle, bénéficiaire, a besoin d'être progressivement améliorée, pour un coût qui restera très raisonnable. Monsieur le secrétaire d'État, êtes-vous prêt à prendre des engagements en ce sens ?

Afin de remédier à l'impossibilité où l'on a mis la SNCF de compenser le déficit de certaines de ses lignes, l'article 33 du projet de loi de finances crée une nouvelle taxe au profit de l'État, appelée « contribution de solidarité territoriale » – CST –, qui devrait rapporter 175 millions d'euros, auxquels s'ajouteraient 35 millions correspondant au report d'une fraction du produit de la taxe d'aménagement du territoire. Faut-il en déduire qu'il ne s'agit pas de recettes supplémentaires, mais d'une ponction sur les recettes de l'AFITF ?

Enfin, j'ai noté avec intérêt ce que vous avez dit concernant la sécurité maritime. En l'espace de quelques jours, la Manche a connu deux accidents : le premier, dans le rail d'Ouessant, était heureusement sans gravité, mais l'autre, au large du Nord-Pas-de-Calais, a entraîné des fuites de produit dangereux. Prenons garde à ne pas faire courir de nouveaux risques à la Manche, l'une des mers les plus fréquentées au monde, en soutenant la construction de parcs éoliens offshore démesurés ! Je souhaite que votre prise de position favorise les projets consensuels et rappelle à la raison les promoteurs des autres.

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