rapporteur pour avis de la Commission des lois pour la fonction publique. Ma mission a été d'établir le rapport pour avis de la Commission des lois sur le programme 148, relatif à la fonction publique. À la date du 10 octobre fixée par la loi organique, le ministère avait répondu à 82 % des questions que je lui ai posées ; nous en sommes aujourd'hui à près de 100 %, ce dont je le remercie, ainsi que la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).
Je souhaite interroger le Gouvernement sur sa politique à l'égard des services publics, et plus précisément de la fonction publique. S'agissant de la promotion d'une nouvelle gestion des ressources humaines, premier objectif du programme, les chiffres de 2009 n'ont pas été consolidés. Le taux, pour l'indicateur sous sa forme précédente, devait atteindre 92 % en 2010 et 100 % en 2011 ; or, avec le nouvel indicateur, l'objectif est tombé à 60 % pour 2011 et à 70 % pour 2013. La diminution de ces valeurs-cibles s'explique-t-elle par un changement dans la méthodologie, ou par la difficulté de mettre enoeuvre la gestion prévisionnelle des ressources humaines ?
Le deuxième indicateur vise à mesurer la prise en compte de la performance dans la rémunération des agents de catégorie A des filières administrative, sociale et technique et des agents de catégorie B de la seule filière administrative. N'est-il pas réducteur d'évaluer le développement d'une gestion stratégique de l'encadrement supérieur à travers un indicateur uniquement quantitatif, et révélateur de la faiblesse actuelle du dispositif d'évaluation de la performance des agents ?
Le troisième indicateur est relatif au nombre de corps qui, bien que le Gouvernement ne cesse de revoir à la baisse ses ambitions, reste chaque année supérieur à ses prévisions. Si les mesures qu'il prend ont pour objectif d'améliorer la mobilité et le recrutement, comme le prévoit la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, pourquoi leur application est-elle si difficile ? La fusion des corps correspond-elle véritablement à des besoins en termes de service public ?
J'en viens au deuxième objectif : « Moderniser la formation des fonctionnaires ». Le Gouvernement envisage-t-il d'évaluer la formation offerte par l'ENA, ainsi que le système de notation adopté par l'école, afin de vérifier que cette formation donne bien aux élèves les compétences qu'on exige d'eux lors des entretiens avec les ministères recruteurs ou lors de la prise de poste ? Par ailleurs, alors que la professionnalisation des concours ne cesse de s'accentuer, l'ENA donne-t-elle à ces mêmes élèves les moyens d'élaborer un projet professionnel, ce qu'on peut espérer si l'on songe que le coût annuel de formation par élève s'élève à 81 100 euros ? Dans le cas contraire, comment faire coïncider les souhaits de sortie des élèves et les desiderata des ministères recruteurs ?
Le deuxième indicateur de l'objectif établit le nombre de concours et d'examens professionnels réformés. En 2010, 300 concours ont été actualisés, mais l'indicateur « Mise enoeuvre du droit individuel à la formation » est abandonné. Est-ce à dire que le Gouvernement renonce à instaurer ce droit, considérant que cette réforme a été un échec ?
L'objectif 3 « Optimiser la gestion des prestations d'action sociale interministérielle » repose sur trois indicateurs.
Le premier concerne le « pourcentage des restaurants inter-administratifs dont l'environnement sanitaire est considéré conforme aux normes d'hygiène et de sécurité en vigueur en matière de restauration collective ». L'objectif de 100 %, qui, l'an dernier, avait été fixé pour 2013, a été repoussé à 2014, et seulement 70 % de ces restaurants ont été mis aux normes à ce jour. Le Gouvernement a-t-il conscience des risques sanitaires qu'il fait courir à ses agents et des conditions d'hygiène indécentes auxquelles il soumet au moins 30 % d'entre eux ? Comment se contente-t-il de tels résultats ?
Le deuxième indicateur est relatif au « coût de gestion des prestataires extérieurs chargés de la gestion de certaines prestations d'action sociale ». Le renouvellement des marchés ayant eu lieu pendant la crise financière, les frais de gestion ont été supérieurs à la prévision initiale : au lieu de rester à 1,2 %, la part du coût de gestion, qui s'est élevée à 3,44 % en 2010, est estimée pour 2011 à 3,54 %. Faut-il laisser les marchés financiers décider des dépenses de l'État ? Cet exemple, certes à une échelle réduite, ne doit-il pas inciter le Gouvernement à regarder l'externalisation avec plus de méfiance ?
Le troisième indicateur, qui consiste dans le « taux de pénétration des prestations CESU » pour la garde d'enfants, doit être pris avec précaution, puisque le chiffre de la population cible n'a toujours pas été réactualisé. On s'appuie, malgré une progression démographique significative, sur des données qui remontent à 2007. Par ailleurs, pourquoi le seul indicateur concernant les aides aux familles est-il centré sur un dispositif individuel d'aide à la garde, et non sur les réservations de places dans les crèches, alors que celles-ci devraient être développées près des lieux de travail des agents ?
J'en viens à l'action 01 « Formation des fonctionnaires » : aucun indicateur ne permet de mesurer quantitativement ni qualitativement l'amélioration des processus de formation continue, qui serait en mesure de justifier une optimisation des coûts. Il serait intéressant de pouvoir apprécier l'effort consenti en faveur de la formation continue des agents de l'État grâce à un indicateur qui, d'une part, ferait apparaître les demandes et les réalisations, et, d'autre part, permettrait de savoir si les moyens inscrits sont suffisants. Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet ?
Pour l'action 02 « Action sociale interministérielle », le Gouvernement s'est-il interrogé sur les ratés du dispositif de prêt mobilité avant d'en réduire les crédits, alors même que les agents sont soumis à cet égard à des obligations plus importantes, dues à la loi sur la mobilité des fonctionnaires et à la réorganisation administrative territoriale (RéATE) ? Ne pourrait-on disposer d'éléments qualitatifs sur la politique d'action sociale en faveur des fonctionnaires de l'État, notamment sur la qualité des prestations versées ou sur leur adaptation aux besoins des agents ?
Plusieurs de mes collègues ont évoqué la suppression des postes et le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Le projet de loi de finances prévoit la suppression de 31 638 ETP, qui entraînera celle d'un nombre plus élevé d'emplois, tous les fonctionnaires n'exerçant pas à temps plein. Compte tenu du nombre de départs en retraite et des recrutements qui seront nécessaires dans les années à venir, une connaissance précise des effectifs et des missions exercées est indispensable au contrôle parlementaire. Il convient donc d'élaborer un indicateur clair qui permettra à la représentation nationale d'apprécier la gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs.
Le Gouvernement se décidera-t-il à étudier les besoins en agents, au lieu d'éliminer aveuglément un emploi sur deux ? Des études ont-elles été conduites pour déterminer si, en 2013, l'État sera encore en mesure de remplir ses missions de service public ?
Le nombre de contractuels, qui a continué d'augmenter cette année, représente actuellement 16,5 % des emplois des trois fonctions publiques. Comment le Gouvernement compte-t-il concilier une titularisation de ces contractuels – débouchant sur une entrée dans la fonction publique, et non sur la transformation d'un CDD en CDI – avec son objectif de réduction des effectifs ?
S'agissant de la garantie individuelle de pouvoir d'achat (GIPA), et plus précisément de l'affectation des économies issues du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux à l'augmentation des rémunérations, pourquoi le Gouvernement ne choisit-il pas d'affecter les sommes ainsi dégagées à des mesures statutaires générales plutôt qu'à des mesures individuelles, qui cassent l'esprit collectif du service public ? Les mesures statutaires annoncées oralement aux organisations syndicales feront-elles l'objet d'une mise enoeuvre législative ?
Selon le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, les crédits de la fonction publique connaîtront une diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2010. Quelles hypothèses salariales ont été retenues pour établir ses plafonds de crédits ? Intègrent-elles un gel du point d'indice pour 2012 et 2013 ?
Combien le rachat des jours de RTT placés sur les comptes épargne temps va-t-il coûter en 2010 et en 2011 ? Il importe, notamment pour des raisons de transparence, que vous nous éclairiez sur l'effet qu'aura ce dispositif sur le pouvoir d'achat.
Les cas de souffrance au travail augmentent : 77 % des agents pensent que leurs conditions de travail se dégradent, et 58 % que la qualité du service se détériore. Or les mesures envisagées consistent surtout à débusquer les fraudeurs. Aucun recrutement de médecin du travail n'est annoncé. Pourquoi le Gouvernement envisage-t-il la disparition de la médecine du travail, dans le public comme dans le privé ? Au nom même d'une certaine rentabilité, ne vaudrait-il pas mieux insister sur la prévention au lieu d'instaurer une politique de méfiance vis-à-vis des agents en arrêt maladie ? Le ministère de l'éducation nationale, qui avait prévu de recruter 80 médecins de prévention en 2010, n'a encore pris aucune mesure en ce sens. Le fera-t-il d'ici à la fin de l'année ?
Comment le Gouvernement, si désireux d'aligner la fonction publique territoriale sur la fonction publique de l'État, justifie-t-il le retard pris en matière de dispositions réglementaires pour la participation des employeurs publics au financement de la protection sociale complémentaire ? Quand placera-t-il concrètement la fonction publique territoriale au même niveau que la fonction publique d'État, à cet égard ?
Enfin, quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il afin de faciliter l'articulation de la RéATE avec les dispositifs de représentation du personnel ? On peut craindre qu'il n'utilise la difficulté d'une concertation avec les préfets au niveau régional pour diminuer la représentativité des organisations syndicales.